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Le procès Gbagbo-Blé Goudé a un rapport « fondamental » avec la France, selon Emmanuel Altit

16 mars 2016 - 21:52

L’audience du jour a vu s’achever le contre-interrogatoire de Sam l’Africain par la défense de Laurent Gbagbo et débuter celui mené par la défense de Charles Blé Goudé. Le rôle de la France a encore une fois été abordé. Compte rendu.

Par Antoine Panaite

Sam l’Africain s’était trompé. Il a donc, en début d’audience, voulu corriger un élément qu’il avait mentionné la veille : les « plus de 80 morts » dont il parlait n’étaient pas des morts sous les tirs de l’armée française en novembre 2004, mais des morts à la présidence de Laurent Gbagbo, sous les bombes (françaises là-encore) d’avril 2011. L’erratum du témoin fait, le contre-interrogatoire a pu reprendre.

Sam l’Africain évoque avec Emmanuel Altit, l’avocat principal de Laurent Gbagbo, une réunion avec Désiré Tagro, le ministre de l’intérieur de Gbagbo. Il lui aurait dit, pendant la crise, que Laurent Gbagbo devait quitter le pouvoir car il y avait trop d’informations comme quoi les opposants voulaient « déloger Gbagbo par tous les moyens ». Mais Tagro, tout comme le ministre de la défense de l’époque qu’il aurait rencontré plus tard, lui aurait dit qu’il ne fallait pas s’en faire, que tout était sous contrôle.

Le témoin P-44 revient aussi sur l’après-réunion de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba en mars 2011. C’est à ce moment-là, selon lui, que Gbagbo aurait pu choisir de prendre la primature. « Je crois que c’est là qu’il y a eu le problème », dit-il en référence à ses déclarations précédentes selon lesquelles Gbagbo aurait voulu démissionner à cette époque mais qu’il en aurait été empêché par des gens de son entourage. Néanmoins, Sam l’Africain ajoute : « Mais c’est un homme, il avait peur pour sa vie ».

La France encore à l’ordre du jour

Après un moment, le sujet « France » et le rôle de la communauté internationale reviennent sur la table. Altit demande au témoin : « En quoi l’intervention de la France aurait pu accentuer la violence ou même la générer ? ». Éric Macdonald, du bureau de la procureure, oppose une objection estimant que le témoin avait déjà répondu précédemment et qu’il trouvait que la défense voulait faire le procès de la France. À cette objection, Altit répondra que le rapport avec la France est « fondamental » et« essentiel aussi bien au niveau militaire qu’au niveau politique ».

Le juge Cuno Tarfusser précisera lui qu’il ne s’agit pas d’un procès « contre la France, ou contre l’Union européenne ou les Nations unies » et que le témoin « doit parler des faits » et qu’il n’est nul besoin « d’aller très loin sur ses opinions »

Gbagbo « n’est pas raciste »

Peter O’Shea, l’avocat irlandais de Gbagbo, termine le contre-interrogatoire de la défense de l’ancien président de la Côte d’Ivoire. C’est là que Sam l’Afriain répètera, une énième fois, tout le bien qu’il pense de Gbagbo : un homme « généreux», « très gentil » et « pas raciste ». Sur ce dernier point, le témoin ajoutera qu’il considère qu’en Côte d’Ivoire, « il n’y a pas d’ethnie politique », que les églises et les mosquées se côtoient partout, et qu’on peut trouver n’importe quelle ethnie dans n’importe quel parti politique.

La défense de Charles Blé Goudé entre ensuite en scène. Geert-Jan Knoops, avocat néerlandais, prend la parole. Mais avant, le juge Tarfusser prévient : il veut que ça aille vite et que le témoin n’ait pas à répéter des choses déjà dites.

Ce contre-interrogatoire va mettre en lumière le terme de « guérilla » avant de se focaliser finalement sur les fameuses barricades, qui constituent un point essentiel de la stratégie de défense de Blé Goudé. Knoops interroge donc le témoin sur ce point et insiste sur le fait que ces barricades existaient depuis longtemps et qu’elles sont le fruit d’initiatives populaires. « Chaque camp mettait des barrages pour se protéger »indiquera aussi Sam l’Africain.

Et concernant 2004 et le soulèvement populaire, le témoin déclare : « C’est pas une question de Gbagbo (…) On peut pas accepter qu’une armée (l’armée française, ndlr) d’un autre pays vienne à la résidence du président ! »

Les slogans ? Plus festifs qu’offensifs

Une vidéo est en outre présentée par Knoops. On y voit Charles Blé Goudé sur France 24 en janvier 2011. Dans cet extrait, le « leader de la galaxie patriotique » affirme, parlant de Ouattara, que « le dialogue n’est pas son fort » et que ce dernier avec « Soro et Choi avaient une feuille de route secrète » pour s’emparer du pouvoir.

Jean-Serges Bougnon, un des avocats de Blé Goudé, prendra la parole le dernier pour le contre-interrogatoire d’aujourd’hui. Il montrera trois vidéos du groupe « Les Galliets ». Deux clips/chansons pour la Coupe d’Afrique des Nations (1992 et 2005), où les chanteurs citent les joueurs de l’équipe nationale de foot, et une autre, déjà présentée à la Cour, avec le fameux « y’a rien en face, c’est maïs » où des noms de soutien de Gbagbo sont cités. Cette comparaison vise à souligner le caractère festif de cette dernière chanson, comme le dira le témoin une fois de plus pour qui « c’est pour amuser la galerie ».

Sur ce, Tarfusser sonne le gong de fin et Claver N’Dry, de la défense de Blé Goudé, de conclure cette journée en demandant un huis-clos partiel. Il doit aborder « un point urgent ». Nous n’en saurons pas plus.

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