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Rôle du GPP dans la crise postélectorale ivoirienne

Après le procès Simone Gbagbo, Metche Metchro Moise Harold Fabrice invité à la CPI

17 octobre 2016 - 18:10

Camille Dubruelh

:Le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé a repris lundi 17 octobre à La Haye. Un nouveau témoin fait son apparition à la barre. Il s'agit de Metche Metchro Moise Harold Fabrice, déjà témoin au procès de Simone Gbagbo en juillet dernier.

Par Camille Dubruelh

Après de longues discussions à huis clos partiel au sujet de la sécurité du témoin, la Chambre a rendu sa décision en fin de matinée ce lundi. La demande d'octroi de mesures de protection réclamée par l'accusation et le témoin lui-même a été rejetée. Motif : ce dernier a déjà déposé publiquement au procès de Simone Gbagbo, s'adressant par ailleurs à la presse ivoirienne. Si ses déclarations lui ont valu des« publications désagréables sur Facebook », les « insultes et menaces » sont restées sans conséquences. Ainsi, rien ne justifie la mise en place de mesures spéciales qui, selon la Chambre, ne ferait « qu'attirer d'avantage l'attention sur le témoin ». Metche Metchro Moise Harold Fabrice est donc apparu brièvement à visage découvert cet après-midi devant la Cour.

 « Accusé de crimes fort graves »

L'homme témoigne en vertu de l'article 74 du Statut de Rome relatif à l'auto-incrimination et bénéficie donc d'un conseil juridique. Comme l'a rappelé le juge Cuno Tarfusser, selon cet article, les propos du témoin ne peuvent pas être utilisés directement ou indirectement contre lui dans le cadre d'une procédure devant la CPI. Seule exception, si le témoin venait à faire un faux-témoignage, considéré comme un« délit sanctionnable »« Nous voulons entendre des faits. Votre devoir est de dire la vérité », a insisté le président de la Chambre.

Prenant note du refus d'octroi de mesures de protection, l'avocat du témoin a de son côté réclamé une suspension de séance, afin d'avoir le temps de discuter avec son client de la conduite à tenir lors des interrogatoires. « En Côte d'Ivoire, il est accusé de crimes fort graves », a expliqué le conseil juridique, craignant visiblement que sa déposition puisse être utilisée contre lui dans le cadre de procédures nationales. En effet, le témoin qui s'était décrit lors du procès de Simone Gbagbo comme l’ex-numéro deux du Groupement des patriotes pour la paix (GPP), « une force paramilitaire » pro-Gbagbo, est inculpé pour « assassinat ». Il est détenu en Côte d'Ivoire.

 

Au GPP, « la trahison engendre le sang » raconte le témoin

18 octobre 2016 - 21:10

Camille Dubruelh

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Premier jour d'interrogatoire pour Metche Metchro Moise Harold Fabrice. Le témoin a répondu aux questions du bureau de la procureure au sujet du Groupement des patriotes pour la paix (GPP), une organisation paramilitaire qu'il a rejoint dès sa création en 2002.

Par Camille Dubruelh

Genèse du GPP, transformation, organisation, hiérarchie et liens avec le pouvoir politique, tels ont été les sujets abordés par le témoin ce mardi 18 octobre. Interrogé par l'accusation, Metche Metchro Moise Harold Fabrice est tout d'abord revenu sur la création du groupe paramilitaire par Charles Groguhet en octobre 2002, suite à la tentative de coup d'Etat. Objectif affiché : « Faire face à la rébellion et soutenir les forces de défense et de sécurité (FDS) », explique le témoin.

Selon ses dires, un recrutement de jeunes civils « fidèles au pouvoir » a donc été lancé et en novembre, lui-même a rejoint les rangs du groupe, qu'on appelait alors « Les jeunes coureurs ». Encadrés par des membres de l'armée régulière, les nouveaux éléments ont reçu une formation au maniement des armes (AK 47), au déplacement tactique et à l'apprentissage de la discipline. A l'époque, deux figures dirigeaient le groupe paramilitaire : Zagpa You pour le volet militaire et Charles Groguhet, qui faisait « le pont avec la politique », selon les dires du témoin, en particulier avec « Charles Blé Goudé »

Le 23 mars 2003, suite à un conclave de la Galaxie patriotique, le GPP est officiellement lancé, raconte Metche Metchro Moise Harold Fabrice. Touré Moussa Zeguen, qui, selon le témoin, entretenait lui aussi des contacts étroits « avec la Galaxie patriotique dirigée par Charles Blé Goudé », prend alors la tête du groupe. Le dénommé Jeff Fada (Jean-François Kouassi) s'occupe de son côté des aspects militaires, coordonnant les activités du GPP via le général Sako, à l'Etat-major des armées. Selon les dires du témoin, à cette époque, quelques 800 membres du GPP sont alors cantonnés à l'Institut Marie Thérèse à Adjamé. Ces derniers bénéficient de plusieurs avantages, vivres et per diem de 40 000 francs CFA, les vivres étant fournis par l'Etat-major à Jeff Fada et les per diem récupérés par Touré Moussa Zeguen auprès de Charles Blé Goudé.

 « les relations entre le GPP et le pouvoir sont devenues officieuses »

Mais à partir de 2006, « les relations entre le GPP et le pouvoir sont devenues officieuses », explique le témoin. « On a dû faire profil bas », poursuit-il, notant la perte de certains privilèges. En cause : des rapports d'exactions commis par les éléments du GPP relayés par la presse internationale. « Certains comportements pouvaient gêner politiquement », note le témoin. Par ailleurs, des affrontements avec des policiers ont entraîné la délocalisation du groupe paramilitaire vers une autre base. Celui-ci se serait installé plus loin de la ville, à Azito, sur un terrain prêté par Philippe Mangou. À cette époque, le groupe a toujours pour mission de suppléer les forces de sécurité, notamment dans le cadre d'opérations particulières. Il s'agit principalement de mener des perquisitions dans des mosquées ou des domiciles privés pour trouver des caches d'armes. Mais les relations avec la population d'Azito sont loin d'être au beau-fixe, notamment à cause de rançonnement régulier de la part du GPP, selon les dires du témoin. Ainsi, des affrontements éclatent en novembre 2006 et le groupe paramilitaire doit quitter les lieux. 

Autre événement marquant dans l'histoire du GPP : l'accord DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion) en 2007. Selon le témoin, le groupe n'a pas été dissout officiellement mais les éléments ont du procéder à un « désarmement symbolique au nouveau camp Akouédo ». La consigne de la hiérarchie, relayant le pouvoir centrale aurait été la suivante : le GPP se désarmera lorsque les rebelles seront désarmés. A cette époque selon le témoin, le GPP comptait quelque 30 000 membres et un certains nombre d'entre eux ont été intégrés aux FDS suite au processus DDR. Mais le GPP aurait continué d'exister, malgré certaines tensions au niveau de la hiérarchie. Le témoin a expliqué qu'il y avait alors une « bicéphalie » entre Yoko Yoko Bernard Bouazo et Touré Moussa Zeguen, ce dernier étant jugé responsable de l'indiscipline de ses éléments et contesté au sein même de son groupe, accusé de corruption. L'affaire s'est finalement réglée au cabinet du ministre de la Défense en septembre 2009. « Zeguen a dit qu'il passait la main à Bouazo », précise le témoin. Fidèle du second, le témoin raconte qu'il a de son côté rejoint en 2009 la base d'Adjamé, devenant le chef d'Etat-major adjoint de la GPP. 

A cette  époque, le groupe, qui comptait quelque 18000 éléments, possédait plusieurs bases, ayant une « stratégie d'être présent dans chaque commune »d'Abidjan. Les éléments n'étaient plus rémunérés selon les dires du témoin, mais continuaient de recevoir des vivres. Pour recevoir de quoi nourrir ses troupes, Bernard Bouazo « adressait un courrier au secrétariat de la Première dame » et« recevait un retour favorable », explique le témoin.

Avant que ne soit suspendue l'audience, l'accusation a demandé des précisions à Metche Metchro Moise Harold Fabrice sur le code de loyauté du  GPP.« Soumission, soumission, exécution avant réclamation. La trahison engendre le sang », a récité le témoin. Ce dernier a précisé qu'au sein du groupe paramilitaire, l'exécution d'un ordre ne pouvait faire l'objet de débat, même s'il était illégal, sous« peine de graves conséquences ». L'ancien numéro 2 du GPP a tenu a donné un exemple de ces « conséquences », racontant l'histoire d'un des éléments soupçonné« d'intelligence avec l'ennemi ». Alors que les chefs discutaient du sort à réserver à cet homme, le lendemain, ce dernier « aurait glissé du balcon », trouvant la mort dans « l'accident », selon les propos du témoin.

Le "modus operandi" du GPP scruté à la loupe

19 octobre 2016 - 22:10

Camille Dubruelh

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Metche Metchro Moise Harold Fabrice a continué à répondre aux questions de l'accusation à la Cour pénale internationale. Au fil d'un interrogatoire qui est apparu un peu décousu, plusieurs thèmes et périodes ont été abordés, des renseignements obtenus par le Groupement des patriotes pour la paix aux agoras et parlements en passant par des missions effectuées dans l'intérieur du pays en 2003 et 2004.

Par Camille Dubruelh

« Poser les bases » avant d'en venir au sujet de la crise postélectorale. C'est cette stratégie qui a été appliquée par le bureau de la procureure qui interrogeait le témoin ce mercredi 19 octobre. Tout comme la veille, les questions ont porté sur divers thèmes, sans suivre d'ordre chronologique. De quoi perdre le fil des débats, selon les équipes de défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Celles-ci ont réclamé à plusieurs reprises des clarifications sur les périodes auxquelles l'accusation et le témoin faisaient référence. 

Il a tout d'abord été questions des techniques de renseignement utilisées par le Groupement des patriotes pour la paix (GPP), groupe paramilitaire formé en 2002 et auquel le témoin appartenait. Metche Metchro Moise Harold Fabrice a expliqué qu'une compagnie interne au GPP avait été créée par lui-même en 2007 à Treichville dans ce but. Objectif : approcher de « jeunes nordistes » pour récolter des informations sur la rébellion et ses zones d'infiltration. Selon le témoin, ces renseignements étaient ensuite transmis aux services nationaux : « Je travaillais avec le directeur du renseignement militaire, Poheri Julien », a précisé Monsieur Metche Metchro Moise Harold Fabrice. « On collaborait avec les Forces de défense de sécurité », a-t-il encore expliqué, précisant que le GPP avait l'avantage d'avoir« accès à certains milieux »

Le bureau de la procureure a ensuite voulu en savoir plus sur une autre unité au sein du GPP citée plus tôt par le témoin : la Légion ivoirienne de sécurité. Créée en décembre 2010 sur ordre d'Alain Dogou, alors ministre de la Défense, elle était constituée d'une cinquantaine d'éléments, choisis pour « leur intégrité et leur engagement » en faveur du FPI. Cette unité avait vocation à être intégrée aux FDS, ce qui, d'après le témoin, fut le cas. Certains de ces éléments ont été envoyés à la Compagnie républicaine de sécurité au mois de février, d'autres ont rejoint la résidence et le palais présidentiel. 

Les questions ont ensuite portées sur les mouvements de la jeunesse en général et leur financement. Tout comme le GPP, « créé par les autorités ivoiriennes », ces groupes bénéficiaient de subventions fournies par des personnalités politiques proches du pouvoir.  « Ces mouvements patriotiques étaient à la charge de Charles Blé Goudé», assure le témoin. Même chose pour les agoras et parlements, ces assemblées formées par des jeunes pour véhiculer les idées et messages politiques du Front populaire ivoirien (FPI).

 

.GPP, Yopogon... Fesci. Un lien ?

Le témoin assure qu'il connaît plusieurs présidents et orateurs de ces groupes, notamment Jean-Marie Konin, rencontré à la frontière avec le Ghana suite à son exil, le dénommé Steve Biko, rencontré dans un camp de réfugiés au Togo ou encore Maguy le Tocard. Ce dernier occupait également la fonction de commandant du GPP à Youpougon. Dans ce cadre, il avait d'ailleurs formé des membres de la Fesci au maniement des armes dès octobre 2010 en vue de leur intégration dans les différents bataillons des FDS.

Dans cette même commune, après le second tour de l'élection présidentielle, l'heure n'était plus à la discrétion pour le GPP, selon les affirmations du témoin. Outre les formations militaires qui se déroulaient « à la vue de tous », les éléments du groupe paramilitaire organisaient régulièrement des « footing d'intimidation ». Armées de Kalashnikovs, au rythme de chants guerriers et encadrées par les FDS, les unités partaient arpenter la commune, s'attardant tout particulièrement dans les quartiers perçus comme favorables à Alassane Ouattara. Aux différents carrefours, les paramilitaires procédaient ensuite à des tirs de sommation. Un objectif très clair :« dire qu'on était opérationnels et qu'ils n'avaient qu'à bien se tenir », affirme le témoin. 

La dernière partie de l'audience du jour a été consacrée aux opérations menées par le GPP dans l'intérieur du pays en 2003 et 2004. Le témoin a notamment expliqué avoir été envoyé à Sapia en 2004, pour soutenir les FDS dans le cadre de« l'opération dignité ». Une opération qui visait à « rendre sa souveraineté à la Côte d'Ivoire », en venant à bout de la rébellion. Interrompu par le président de la Chambre qui cherchait à connaître le lien avec les charges retenues contre les accusés, le représentant de la procureure, Alexis Demirdjian s'est justifié. Il a expliqué que ces détails étaient essentiels pour connaître « le modus operandi » du GPP et son activité lors de la crise postélectorale. Un thème qui devrait être abordé dès demain.

 

 

Le GPP impliqué dans plusieurs incidents lors de la crise post-électorale

20 octobre 2016 - 23:10

Charlène Danon

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L'accusation a poursuivi l'interrogatoire de Monsieur Metche Metchro Moise Harold Fabrice ce jeudi 20 octobre à la Cour pénale internationale. Les questions se sont concentrées sur les incidents impliquant le Groupement des patriotes pour la paix (GPP) lors de l'élection présidentielle et de la crise post-électorale.

Par Camille Dubruelh

Alors qu'il se faisait discret depuis les accords Désarmement, démobilisation, réintégration (DDR) de 2007, le GPP est revenu sur le devant de la scène à l'approche de la présidentielle de 2010. « Officiellement il avait été dissout en 2007, il ne pouvait pas s'afficher en tant que tel », explique le témoin, lui-même ancien membre de cette unité. Pendant plus de deux ans, le GPP continuait d'exister« officieusement », selon ses dires mais se cachait derrière « l'interface » de l'Union des mouvements d'autodéfense, créée en 2008.

Le GPP remobilisé à l’approche des élections de 2010

C'est à l'approche du scrutin présidentiel que le GPP a de nouveau fait parler de lui, notamment lors d'un événement en septembre 2010, une marche organisée par les éléments du groupe paramilitaire. Objectif : faire savoir aux autorités que les indemnités prévues par les accords de Ouagadougou n'avaient jamais été versées. Suite à cette marche, interrompue par les forces de l'ordre, les manifestants ont reçu la visite d'Ahoua Stallone, l'un des leaders de la Galaxie patriotique, à leur base d'Adjamé. Relayant un « message de Charles Blé Goudé » selon le témoin, Ahoua Stallone a expliqué aux membre du GPP qu'ils avaient été « entendus en haut lieu ».

À partir de ce moment-là, les éléments ont rejoint les différents cantonnements. Et, d'après les dires du témoin, au mois de décembre, suite à une réunion au ministère de la Défense, la décision a été prise de commencer à les intégrer « dans les différents camps ». Metche Metchro Moise Harold Fabrice cite notamment le 1er Bataillon de commando parachutiste, le Bataillon d'artillerie sol-sol, le Bataillon blindé, puis plus tard, la Compagnie républicaine de sécurité et le palais présidentiel.

Le GPP mandaté pour identifier les soldats infiltrés

Le témoin, qui occupait de son côté la fonction de chef d’État-major adjoint du groupe paramilitaire, était pour sa part cantonné à Adjamé. C'est de là que Yoko Yoko Bernard Bouazo, chef du GPP, chapeautait les opérations du groupe, répondant aux ordres du « réseau », membres de la Galaxie patriotique et hautes personnalités politiques. Parmi les missions du groupe : la formation de jeunes au maniement des armes, dès le mois de septembre 2010, à Abidjan et à l'intérieur du pays. À l'approche de la présidentielle, le groupe paramilitaire se voit aussi confier des missions de surveillance, notamment autour des domiciles des membres du RHDP. L'objectif est de savoir s'ils recevaient des individus suspects, potentiellement proches de la rébellion.

À partir du mois d'octobre, le GPP est aussi mandaté pour mettre en place des« check-points » afin de fouiller les véhicules et vérifier les identités. Un ordre qui selon le témoin, provient du commandant Kipré, de la Garde républicaine. Lors de ces contrôles, le GPP procédait à l'arrestation de « personnes suspectes », des individus n'ayant pas de papiers d'identité et surtout aucune connaissance de la ville. Selon le témoin, il pouvait s'agir de soldats burkinabé ayant infiltré la ville pour combattre aux côtés des rebelles.

Une fois arrêtées, ces personnes devaient être remises au plus vite aux forces de l'ordre. Une « procédure » appliquée jusqu'à ce que la période devienne plus trouble.« A un moment nous étions vraiment débordés », a affirmé le témoin, faisant référence aux mois de février et mars 2011. « Soulèvement populaire » des partisans du RHDP, « affrontements à Abobo », les forces de l'ordre n'avaient alors plus le temps de venir récupérer les individus appréhendés par le GPP. « Dans certaines communes, précisément à Youpougon, ça a commencé de brûler les gens qui étaient taxés de rebelles, d'assaillants », raconte le témoin qui assure par ailleurs qu'à son niveau, il n'avait « pas reçu l'ordre bien défini de brûler quelqu'un ».

D'autres incidents ont également été abordés aujourd'hui, notamment la marche du RHDP sur la RTI au mois de décembre. Mais la plupart des discussions se sont déroulées à huis-clos partiel. Le témoin a rapidement expliqué que ses éléments avaient reçu l'ordre « d'appuyer les FDS » mais qu'ils « n'avaient pas reçu l'instruction de sortir armés ». Le témoin a par ailleurs évoqué un incident ce même jour avec le commissaire du 7ème arrondissement à la base d'Adjamé. « On était au bord de l'affrontement » a-t-il assuré, expliquant que le commissaire et ses éléments avaient tenté de rentrer de force dans les locaux de la GPP. « Ils n'acceptaient pas que l'on intercepte des marcheurs et qu'on les garde dans nos locaux », a poursuivi l'ex-numéro deux du groupe paramilitaires, précisant que certains manifestants avaient été « tabassés  ».

Le témoin évoque les « écarts de conduite » à la fin de la crise postélectorale

21 octobre 2016 - 18:10

Camille Dubruelh

 

L'accusation a posé ses dernières questions à Metche Metchro Moise Harold Fabrice ce vendredi 21 octobre à la Cour pénale internationale (CPI). L'ancien numéro deux du Groupement des patriotes pour la paix (GPP) a été longuement interrogé sur la fin de la période de la crise post-électorale.

Par Camille Dubruelh

C'est sur une décision du commandant Kipré que le témoin aurait été détaché au palais présidentiel au mois de mars 2011, parmi une soixantaine d'éléments du GPP. Leur mission : appuyer les Forces de défense et de sécurité dans leurs opérations. À cette époque, des combats ont notamment été engagés pour la reprise de l’État-major, tombé aux mains des rebelles. Une opération « réussie » a expliqué le témoin, qui y a lui-même participé. Suite à cette mission, les membres du GPP ont d'ailleurs reçu félicitations et « récompense », dont la promesse d'intégrer la Garde présidentielle.

Des allégations qui contrarie Laurent Gbagbo

Et ce n'est pas la seule fois où les membres du groupe paramilitaire ont été félicités en plus haut lieu pour leur engagement au combat. Alors qu'il se rendait à la résidence présidentielle de Cocody pour rencontrer ses éléments le 2 avril 2011, Metche Metchro Moise Harold Fabrice a ainsi la grande surprise de voir arriver Laurent Gbagbo. « Il est venu nous dire qu'il était fier des jeunes Ivoiriens » raconte le témoin. Lors de cette adresse, l'ancien président aurait également expliqué avoir « gagné la guerre », puisque son plus grand combat était « de prouver au monde que, depuis 2002, la déstabilisation (de la Côte d'Ivoire) était orchestrée par la France ».

Ce discours, qui a soulevé « l'émotion » parmi les personnes présentes, s'est tenu dans « le salon jaune » de la résidence présidentielle, assure le témoin. Mais dans la salle d'audience, ce détail semble provoquer l'étonnement de Laurent Gbagbo qui hoche la tête en signe de négation. Le témoin assure en tout cas que plusieurs personnalités étaient présentes ce jour-là, hommes politiques ou encore « combattants libériens », dont certains qu'il avait connu au début des années plus tôt en mission à Guiglo, tel « Junior Gbagbo ».

Le témoin aide Blé Goudé à fuir la Côte d’Ivoire

Au total, une centaine de ces « combattants habitués à la guerre » étaient arrivés à Abidjan dès le mois de janvier, assure l'ancien numéro deux du GPP, qui raconte même les circonstances de leur venue. La Garde républicaine serait partie les récupérer à la frontière ghanéenne : « Charles Blé Goudé avait remis de l'argent pour qu'ils quittent le camp de réfugiés au Ghana », affirme le témoin, expliquant qu'il tenait ces informations de l'adjudant chargé de cette mission. 

Les ultimes questions de l'accusation ont finalement porté sur les derniers jours de la crise post-électorale et notamment la fuite de l'ancien ministre de la Jeunesse. Le témoin assure l'avoir « escorté » jusqu'à la résidence M'Maya, le 12 avril, avant qu'il ne rejoigne Moossou puis le Ghana. Ce même jour, lendemain de l'arrestation de Laurent Gbagbo, Metche Metchro Moise Harold Fabrice quitte de son côté le palais présidentiel pour se rendre à la base naval de Locodjro, où il restera jusqu'au 17. 

Les Dioula, la cible du GPP et des combattants libériens, selon le témoin

Pendant cette dernière semaine, « nous menions des combats », atteste le témoin. L'objectif était notamment de tenir la commune de Youpougon. Interrogé sur les exactions commises à cette période, le témoin a rapporté que des individus, des civils issus de la population Dioula ou proches du RHDP, étaient fréquemment « abattus », soit par les populations elles-mêmes, soient par des éléments du GPP ou encore par les combattants libériens.

Ces derniers, qui ne parlaient que très peu le français, procédaient ainsi à des arrestations arbitraires, demandant à ceux qu'ils croisaient : « Gbagbo ou maison ? », faisant référence au sigle du RHDP. Si les personnes, n'ayant pas compris le sens de la question, répondaient « maison », « ils tiraient sur lui » affirme le témoin. Et de conclure : « à cette époque on ne pouvait pas contrôler les écarts de conduite ».

 

 

La « fiabilité » du témoin mise à l'épreuve

24 octobre 2016 - 20:10

Camille Dubruelh

Le contre-interrogatoire de Metche Metchro Moise Harold Fabrice a commencé ce lundi 24 octobre. La défense de Charles Blé Goudé a ouvert le bal, s'intéressant de près aux précédentes déclarations du témoin. Objectif : démontrer à la Chambre que les propos du témoin « varient d'un jour à un autre »

Par Camille Dubruelh

Évaluer la « fiabilité » de l'ancien numéro deux du Groupement des patriotes pour la paix, groupe paramilitaire pro-Gbagbo, c'est le travail qu'opère depuis ce lundi matin la défense de Charles Blé Goudé. Jean-Serge Gbougnon, l'un des avocats de l'accusé, est ainsi revenu sur plusieurs points des déclarations antérieures de Metche Metchro Moise Harold Fabrice. Des déclarations faites la semaine dernière à la Cour pénale internationale (CPI), d'autres en 2016 lors du procès de Simone Gbagbo ou encore pendant sa détention à la Direction de la surveillance du territoire (DST) ivoirienne en 2014. Objectif : démontrer à la Chambre que les propos du témoin « varient d'un jour à un autre ».

La défense est tout d'abord revenue sur un détail du parcours du témoin. Celui-ci avait indiqué la semaine dernière qu'en 2002, il était alors en classe de 3e. « Vous aviez 19 ans ? », s'est étonné Jean-Serge Bougnon, avant que ne confirme le témoin. 

Financement du GPP, le témoin dit et se dédit

Les conditions de l'arrestation de l'ancien numéro deux du GPP en 2014 ont ensuite été longuement examinées par la défense. Le témoin a expliqué qu'avant d'être appréhendé, il « avait joué les fous » pour éviter d'être reconnu, alors qu'il était recherché par les forces de l'ordre et les chasseurs traditionnels dozos. Barbe longue, haillons et scarification, Metche Metchro Moise Harold Fabrice aurait passé plusieurs mois dans la brousse, avant d'être finalement identifié par des villageois. Remis aux mains des Dozos, il a été transféré à la gendarmerie de Tabou avant d'atterrir finalement à la DST à Abidjan, le 5 mai 2014, où il a « reconnu les faits ». 

Lors de son interrogatoire, le témoin avait notamment évoqué l'ancien ministre Assoa Adou. Il avait à l'époque assuré qu'il était l'un des financeurs du GPP. Mais deux ans plus tard, au procès de Simone Gbagbo, l'ex-paramilitaire a déclaré être « revenu sur (sa) déclaration » suite à une confrontation avec l'ex-ministre. Jean-Serge Gbougnon a donc cherché à savoir pourquoi le témoin avait donné des « versions différentes ». Celui-ci a expliqué qu'il n'avait « pas reçu d'argent en main propre » de la part de l'ancien ministre et qu'ainsi, il ne pouvait pas « confirmer » qu'Assoa Adou avait bien financé le groupe paramilitaire.

 « Confidences » entre Metche et Lida Kouassi Moise, le témoin maintient ses allégations.

Autre sujet abordé : les relations entre Metche Metchro Moise Harold Fabrice et Lida Kouassi Moise, ancien ministre de la Défense qu'il aurait fréquenté lors de son exil au Togo. Lors de son interrogatoire à la DST, le témoin avait ainsi rapporté des confidences de Kouassi Moise, dans une buvette à Lomé. L'ancien ministre lui aurait avoué avoir commandité l'assassinat du Général Robert Gueï. Mais l'avocat de Charles Blé Goudé a noté qu'une autre version avait été donnée au procès de Simone Gbagbo. Selon le compte-rendu, c'est un dénommé

Touré qui aurait rapporté au témoin que Kouassi Moïse était le commanditaire de ce meurtre. « Je n'ai jamais mentionné aucun Touré », a rétorqué le témoin, évoquant une erreur dans la retranscription d'audience. « Ça a été mal saisi. J'ai dit que le ministre me l'avait dit à Lomé », a-t-il justifié.

Une évaluation psychiatrique du témoin versé au dossier de la défense.

Les débats de l'après-midi ont porté essentiellement sur l'utilisation par la défense d'un rapport d'évaluation psychiatrique du témoin datant de 2014, un document rendu public lors du procès de Simone Gbagbo. Le bureau de la procureure s'est en effet opposé à l'utilisation de cette pièce, datée d'il y a deux ans. Motif : « On ne sait rien de l'auteur » de ce rapport, ni de la méthodologie utilisée. La défense de Laurent Gbagbo a de son côté souligné « l'importance » de ce document officiel, réclamé dans le cadre d'une procédure juridique. Il s'agit d'un élément « fondamental » pour évaluer « la plausibilité, la fiabilité du témoin », a argumenté Andréas O'Shea, l'un des avocats de l'ancien président. 

 Les juges ont pris leur décision, en fin de journée.  Ils ont accepté que le document soit versé au dossier mais les parties ne pourront pas interroger le témoin sur le contenu de ce rapport. Si le rapport était bien versé au dossier, les parties ne seraient en revanche, pas autorisées à poser des questions sur le « contenu dudit rapport ». Justification : «Il s'agit d'une expertise psychiatrique portant sur l'état de santé du témoin. Il n'est pas en mesure de se prononcer sur une évaluation faite par des experts ».

 

Échanges musclés dans la salle d'audience

25 octobre 2016 - 20:10

Camille Dubruelh

 

Le témoin a donné du fil à retordre à la défense de Charles Blé Goudé ce mardi 25 octobre. L'avocat de l'accusé est revenu sur plusieurs points des précédentes déclarations de Metche Metchro Moise Harold Fabrice. Des interruptions du bureau de la procureure ont par ailleurs provoqué d'intenses discussions entre les parties et la Chambre.

Par Camille Dubruelh

Des questions de la défense susceptibles de compromettent la protection du témoin

Des débats houleux ont émaillé cette journée de contre-interrogatoire à la Cour pénale internationale. Dès le début de l'audience, avant même que l'équipe de défense de Charles Blé Goudé ne reprenne le fil de ses questions, le conseil du témoin est intervenu. Son but : relayer les « préoccupations » de son client quant à certaines questions abordées hier à huis clos partiel et pouvant donner des indications sur le lieu où se trouve actuellement le témoin.

Lors du procès de Simone Gbagbo au cours duquel il avait témoigné, Metche Metchro Moise Harold Fabrice aurait en effet été l'objet de « menaces sérieuses sur sa sécurité et celle de sa famille ». « Ne vous inquiétez pas, je serai très vigilant », a promis le président de la Chambre, assurant qu'il n'autoriserait aucune question sur ce thème. La défense de Charles Blé Goudé à de son côté réagit, dénonçant un courriel envoyé hier par le bureau de la procureure. « Insinuer que nous allons divulguer le lieu où se trouve le témoin, c'est proprement insultant », s'est énervé Jean-Serge Gbougnon, l'un des avocats de l'accusé. « Nous sommes professionnels, il faut qu'on nous respecte. Aucune question n'a fait allusion au lieu où il se trouve et où se trouvent sa femme et ses enfants », a-t-il encore argumenté.

Le témoin appelé à situer Sapia, une ville où il aurait servi en 2004                       

Le contre-interrogatoire du jour a finalement commencé. Pour tenter de démontrer l'absence de crédibilité du témoin, la défense a suivi la même stratégie qu'hier, confrontant les propos de l'ancien paramilitaire avec ses déclarations antérieures. Jean-Serge Gbougnon s'est donc intéressé à des points précis, commençant par « l'avant-poste » de Sapia, où le témoin assure avoir été envoyé en 2004. Pendant de longues minutes, l'avocat a interrogé Metche Metchro Moise Harold Fabrice sur la localisation des villes de Sapia et de Bondoukou. « Je cherche à démontrer qu'on nous a ramené un témoin peu crédible. Il n'arrive pas à situer Sapia ! », a justifié Jean-Serge Gbougnon, alors que le président de la Chambre l'interrogeait sur la pertinence de ses questions.

Suite à une intervention du bureau de la procureure, l'ambiance est devenue de plus en plus électrique. « Calmez-vous où nous allons interrompre l'audience ! », a même menacé le juge président. N'Dry Claver, autre avocat de Charles Blé Goudé, est finalement intervenu, réclamant à la Chambre « patience et indulgence ». « La défense sait où elle va », a-t-il assuré. De retour dans le prétoire, le témoin a finalement donné sa réponse : lorsqu'on vient d'Abidjan, « on atteint Bondoukou avant d'arriver à Sapia », a-t-il assuré.

Metche Metchro : « Quand je veux rentrer dans les détails, vous me coupez ! »

La suite des débats a porté sur l'appel du 6 novembre 2004 lancé par Charles Blé Goudé. Celui-ci « demandait aux jeunes de sortir pour faire barrage aux forces françaises », selon les dires du témoin. Ce dernier a expliqué qu'il était au courant, avant même cet appel, de la « tentative de coup d'état des Français pour mettre à la tête du pays le général Mathias Doué » et qu'il avait reçu des instructions. Interrogé sur le déroulé des événements la nuit du 6 novembre, le témoin a assuré s'être rendu directement au 43e BIMA depuis Treichville où il se trouvait.

« Je vais vous relire votre déposition au bureau du procureur », a interrompu Jean-Serge Gbougnon. Dans cette déclaration datant de 2014, le témoin mentionnait une réunion à Marcory, au siège d'Orange. Sommé de s'expliquer sur ce point, le témoin a répliqué : « Quand je veux rentrer dans les détails, vous me coupez ! ». Metche Metchro Moise Harold Fabrice a donc tenu à apporter des précisions : il serait passé par Port-Bouët avant de rejoindre Marcory pour un « regroupement » avec les éléments du GPP et un « dernier briefing ». C'est à ce moment-là que leur ont été distribuées des armes, assure le témoin précisant qu'il s'agissait  d'Uzis. Mais une nouvelle fois, l'ancien numéro deux du GPP a été confronté à sa précédente déposition. « Vous n'évoquez pas de Uzis lorsque vous parlez de ce rassemblement », avance l'avocat de Charles Blé Goudé. « Il est dit cinq pages plus tard qu'il y avait des Uzis! », coupe le bureau de la procureure, provoquant une nouvelle fois de vifs débats.

​À la fin de la journée, la discussion s'est finalement portée sur les événements de 2010 et notamment la marche sur la RTI du 16 décembre. La défense continuera d'examiner les déclarations du témoin au sujet de la crise postélectorale dès la prochaine audience, jeudi 27 octobre.

La défense de Blé Goudé souligne les contradictions de Metche Metchro Moise Harold Fabrice

28 octobre 2016 - 01:10

Camille Dubruelh

 

La défense de Charles Blé Goudé a poursuivi le contre-interrogatoire de Metche Metchro Moise Harold Fabrice ce jeudi 27 octobre à la Cour pénale internationale (CPI). Le témoin, ancien membre du Groupement des patriotes pour la paix (GPP), a été une nouvelle fois sommé de s'expliquer sur les discordances entre ses divers récits.

La défense de Charles Blé Goudé a continué son examen méticuleux des déclarations antérieures de Metche Metchro Moise Harold Fabrice. Même objectif : le mettre face à ses contradictions. Jean-Serge Gbougnon, l'un des avocats de l'accusé, s'est d'abord penché sur les récits du témoin concernant la journée du 16 décembre. Interrogé la semaine dernière par l'accusation, celui-ci avait fait mention d'une réunion avant la marche sur la RTI.

 

Le ministre Desiré Tagro aurait rencontré les responsables de mouvements d'autodéfense pour leur fournir des instructions en prévision de l'événement. La défense a donc voulu savoir pourquoi le témoin n'avait pas fait mention de cette rencontre lors de sa déposition au bureau de la procureure en 2014. L'ex-numéro deux du GPP avait en effet affirmé qu'il ne savait pas « qui avait donné les instructions ». « Je faisais allusion au jour J de la marche », s'est défendu le témoin, expliquant que ce jour-là, il ignorait qui avait donné les consignes.

L'accusation dénonce « une méthode sélective »

L'avocat de la défense a ensuite demandé si les éléments du GPP étaient armés lors de cette manifestation. « Certains », a répondu le témoin. « Pourquoi alors, à sept reprises, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'armes ! » s'est exclamé Jean-Serge Gbougnon. Pour lui rafraîchir la mémoire, l'avocat a alors cité des extraits de sa précédente déposition : « On n'avait pas d'armes » parce que le GPP « n'avait pas eu l'autorisation de sortir avec ».

« Quand on parle d'armes il y a une différence entre les armes blanches et les armes à feu », a rétorqué Metche Metchro Moise Harold Fabrice, précisant que dans sa déclaration antérieure, il évoquait les armes à feu. « On avait des cordelettes. La cordelette c'est une arme, ça peut tuer ». L'avocat a immédiatement rebondi sur ce dernier point, relisant au témoin sa propre citation : « À ma connaissance, les cordelettes ne tuent pas. » « Si on avait eu l'intention de tuer, on serait sortis avec des armes », a tenté d'expliquer l'ex-paramilitaire. 



Le contre-interrogatoire a finalement été suspendu par une intervention du bureau de la procureure. Celui-ci a dénoncé « la méthode sélective » de la défense de Charles Blé Goudé qui « lit des passages (des déclarations, ndlr) et en omet d'autres et présente cela comme s'il s'agissait de contradictions ». Emmanuel Altit, avocat de Laurent Gbagbo, a répliqué, dénonçant une « volonté d'obstruction » de la part de l'accusation. « Le témoin ne doit pas être induit en erreur », s'est contenté de dire le président de la Chambre, coupant court à tous les débats. 

Les déclarations du témoin décortiquées point par point

La même méthode de contre-interrogatoire a été utilisée pendant toute la durée de l'audience. La défense de Charles Blé Goudé est revenue sur plusieurs éléments évoqués précédemment par le témoin, notamment la création du GPP fin 2002, début 2003. « Vous avez dit que Charles Blé Goudé est venu vous saluer pendant un entrainement fin 2002, il est venu en quelle qualité ? » a demandé l'avocat. « Leader de la jeunesse ivoirienne, de la Galaxie patriotique », a répondu le témoin. « Ca existait déjà ? » s'est alors étonné Jean-Serge Gbougnon. Le témoin a expliqué qu'il ignorait quand était apparu ce terme mais qu'il se permettait de l'utiliser car « les membres n'ont pas changé » depuis l'époque.


Dernier point évoqué ce jour, une visite d'Ahoua Stallone à la base du GPP d'Adjamé en septembre 2010. « Vous ne mentionnez pas Ahoua Stallone dans votre déclaration », s'est enquis l'avocat. S'excusant, Metche Metchro Moise Harold Fabrice a évoqué un « oubli ».

 

 

La personnalité du témoin passée au crible

1 novembre 2016 - 09:11

Camille Dubruelh

 

 

Suite aux dernières questions de la défense de Blé Goudé, les avocats de Laurent Gbagbo ont pris le relai pour interroger Metche Metchro Moise Harold Fabrice, lundi 31 octobre, à la Cour pénale internationale. Le passé du témoin a été passé au peigne fin. Objectif : cerner la personnalité de l'ancien numéro deux du Groupement des patriotes pour la paix (GPP).

Par Camille Dubruelh

Enfance, consommation de drogue, épisodes dépressifs, la défense de Laurent Gbagbo n'a pas hésité à poser des questions intimes au témoin. Dès le début de son contre-interrogatoire, Andreas O'Shea, l'un des avocats de l'accusé, est ainsi revenu sur le passé de Metche Metchro Moise Harold Fabrice, s'intéressant de près à la période entre 1998 et 2002. Le témoin a avoué qu'à cette époque, alors adolescent, il « fumait du cannabis », et volait parfois de l'argent à ses parents pour en acheter. Mais il a nié en revanche toute « addiction ». Preuve en est selon lui, le fait de mettre un terme à ces pratiques de sa propre initiative, dès son entrée au GPP fin 2002.

Le témoin est « un être humain » rappelle le président

« Avez-vous eu des périodes de dépression ? », a ensuite demandé l'avocat de la défense, obtenant une réponse négative. « Vous aviez des pulsions violentes ? » a insisté Andreas O'Shea. « Je suis une personne de nature impulsive mais je ne peux pas me qualifier comme une personne violente », a répliqué le témoin. S'il a admis avoir « commis des actes de violence en 2003 », l'ancien paramilitaire a voulu préciser « qu'il est toujours difficile de faire du mal à quelqu'un ». 

Alors que les questions se poursuivaient sur ce même thème, le  bureau de la procureure est finalement intervenu. Son reproche : la défense chercherait à utiliser sans le dire un rapport psychiatrique sur lequel les parties ne sont pas autorisées à poser des questions. Il s'agit « d'un témoin qui a admis avoir tué des civils », a par ailleurs rappelé Éric MacDonald. « La personnalité joue un rôle mais il faut revenir sur les faits », a-t-il encore argumenté. « Nous frôlons l'humiliation du témoin » a de son côté tranché le juge président, insistant sur le fait qu'il s'agissait « d'un être humain »

Le GPP officiellement dissout en 2003

Rebondissant sur le sujet des violences et exactions commises par des membres du GPP en 2003, l'avocat de Laurent Gbagbo s'est ensuite concentré sur la réaction du gouvernement face à ces pratiques. Le témoin a expliqué que le GPP avait été remis à l'ordre par les autorités militaires suite à des actes illégaux comme des vols répétés notamment. « Le gouvernement a interdit le GPP ? », a demandé Andreas O'Shea. « Non », a répondu le témoin. L'avocat a alors présenté un extrait du journal officiel de l'époque, qui faisait mention de la « dissolution » du groupe paramilitaire à la suite de ces « violations des droits de l'homme ». Le témoin a expliqué que les activités du GPP avaient bel et bien continué. Selon ses dires, les autorités avaient décidé de « délocaliser » la base du groupe paramilitaire et non de le dissoudre.

« Mon cerveau n'est pas un ordinateur »

Plus tôt dans la journée, la défense de Charles Blé Goudé avait de son côté posé ses dernières questions au témoin, le cuisinant à nouveau sur ses contradictions. « Mon cerveau n'est pas un ordinateur. Je ne peux pas me souvenir de tout », s'était défendu l'ancien numéro deux du GPP, sommé une nouvelle fois de s'expliquer sur ses déclarations antérieures discordantes. 

 

 

Le GPP chargé d’aider à la « répression » de la marche sur la RTI

2 novembre 2016 - 19:11

Camille Dubruelh

 

L'interrogatoire de Metche Metchro Moise Harold Fabrice arrivera demain à son terme. En attendant, ce mercredi 2 novembre, la défense de Laurent Gbagbo a continué de poser ses questions au témoin. Les relations entre le Groupement des patriotes pour la paix (GPP) et les Forces de défense et de sécurité étaient au cœur des échanges.

Par Camille Dubruelh

La « légalité » du GPP, c'est le thème sur lequel s'est tout d'abord concentré Andreas O'Shea, l'un des avocats de Laurent Gbagbo. Ce dernier a notamment voulu en savoir plus sur les « cartes professionnelles » distribuées aux éléments de ce groupe paramilitaire, dont le témoin était membre. Selon ses dires, les cartes, produites par les chefs du GPP, servaient de « laissez-passer » aux barrages des Forces de défense et de sécurité. Grâce à ce document, les membres du GPP pouvaient donc circuler librement. Mais la défense de Gbagbo a opposé à cette explication un extrait du Journal officiel datant de 2003. Celui-ci indique que le groupe paramilitaire, accusé de « faux et usage de faux », détenait « irrégulièrement des cartes professionnelles identiques à celles des FDS ». Il s'agissait de « cartes légales », a pour sa part insisté le témoin, assurant qu'on ne pouvait pas les « taxer de faux ».

Marche sur la RTI, des manifestants « chicotés »

Toujours sur le thème de la collaboration avec les FDS, la défense de l'ancien président s'est ensuite intéressée à la crise post-électorale. Il a notamment été question de la marche du 16 décembre sur la RTI. « On connaissait leur mission générale mais on n'était pas censé tout savoir », a expliqué le témoin, interrogé sur les prérogatives des FDS ce jour-là. Quant à la mission du GPP : « intercepter les marcheurs et soutenir les FDS dans la répression de cette marche » a affirmé celui qui assurait les fonctions de numéro deux du GPP à cette époque. Selon ses dires, les FDS ont ce jour-là « ouvert le feu » contre les marcheurs, mais ça n'a pas été le cas du GPP. Des membres du groupe paramilitaire auraient par contre « chicoté » (fouetté) des manifestants avec des « cordelettes »

Suite à cette déclaration, Andreas O'Shea a donc voulu savoir en quoi cela rentrait dans la mission officielle du GPP. Les manifestants « étaient considérés comme des rebelles » qui menaient « des actes subversifs considérés comme un coup d'Etat » a expliqué le témoin. Dans ce cadre, « on ne va pas s'offusquer que des personnes soient tabassées », s’est-il défendu. Comme les jours précédents, Metche Metchro Moise Harold Fabrice a été une nouvelle fois confronté à ses dépositions antérieures. L'avocat de Laurent Gbagbo a cherché à attirer l'attention de la Chambre sur les différences de versions concernant cette même journée. Un exemple parmi d'autres, le témoin avait affirmé dans l'une de ces déclarations précédentes : « Nous étions armés de Kalash ». Dans une autre déposition, il avait attesté qu'ils « n'avaient pas d'armes », n'ayant pas reçu l'autorisation d'en porter ce jour-là. Le témoin a précisé que la deuxième déclaration faisait référence aux éléments postés à Adjamé. « Au niveau de Cocody, ils avaient deux Kalash », s'est-il justifié.

« Ce témoin est en mesure de dire ce qu'il pense »

Cet exercice s'est poursuivi pendant une trentaine de minutes, entrecoupé par de nombreuses interventions du bureau de la procureure, qui a déploré des questions « incompréhensibles ». Ces interventions ont provoqué l'ire d'Andreas O'Shea. L'avocat a dénoncé des « pratiques inacceptables », le bureau de la procureure coupant la parole « à dessein » pour « donner au témoin le temps de réfléchir ». « L'accusation essaie de porter aide et secours au témoin », a conclu l'avocat de Laurent Gbagbo. Le juge président n'a pas caché son irritation, demandant à toutes les parties « de garder la tête froide » et de « faire preuve de retenue ». « Ce témoin est en mesure de dire ce qu'il pense », a finalement tranché le président de la Chambre.

En effet, sans se démonter, le témoin a répondu à chacune de ces contradictions présumées, non sans partir parfois dans des récits alambiqués. L'ancien paramilitaire a par ailleurs demandé à ce que ses déclarations faites lors procès de Simone Gbagbo soient relativisées. Il y aurait eu des « cafouillages » dans la retranscription de ses propos, certaines réponses ayant « été compressées » et les questions retirées du transcrit. « Moi-même je lis et je ne comprends rien » a t-il assuré, décrivant la manière dont s'était déroulé le procès : « plusieurs personnes qui posaient des questions en même temps », d'autres qui criaient le traitant de « fou » ou de « menteur ». « J'ai répondu comme je pouvais (...) J'ai l'impression que ce n'était pas un procès mais un règlement de compte », a-t-il confié. 

 

 

Des précisions mais aucune révélation pour la dernière audience du témoin

3 novembre 2016 - 19:11

Camille Dubruelh

 

Dernier jour d'interrogatoire pour Metch Metchro Moïse Harold Fabrice, ancien membre du Groupement des patriotes pour la paix (GPP). Après plus de 10 jours d'audition, le témoin a livré ses dernières précisions à la défense de Laurent Gbagbo ce jeudi 3 novembre à la Cour pénale internationale.

Par Camille Dubruelh

Colonel H, Commandant Hôtel, Koné Hamed, l'Araignée... En guise de préambule à cette dernière journée d'interrogatoire, le témoin a été amené par la défense de Laurent Gbagbo à égrainer tous ses sobriquets. C'est sous ces différents surnoms qu'il était connu à l'époque où il était membre du groupe paramilitaire, entre 2002 et 2011.

Afin de ne rien laisser au hasard, Emmanuel Altit, avocat principal de Laurent Gbagbo, s'est ensuite attaché à clarifier, avec le témoin, de nombreux détails de son récit. La défense est notamment revenue sur la chronologie des événements, commençant par la période de 2005-2006. Metch Metchro Moïse Harold Fabrice avait expliqué qu'à cette époque, le GPP avait dû faire « profil bas », et ce jusqu'aux élections de 2010. La raison ? Le comportement des membres du groupe paramilitaire « gênait beaucoup les autorités ».

GPP : une épine dans le pied du pouvoir

En effet, selon les dires du témoin, le GPP se rendait régulièrement coupables d'« exactions » relayées par la presse, tels des vols ou des rançonnements. Par ailleurs, des affrontements avec le syndicat des transporteurs puis avec la police avaient encore un peu plus terni la réputation du groupe, forcé de quitter Adjamé pour s'installer à Azito (Yopougon) en 2005. Mais, le témoin a par contre insisté : le GPP n'a été dissout officiellement qu'en 2007, suite à l'accord DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion).

Rebondissant sur ce thème, l'avocat de Laurent Gbagbo s'est étonné que, malgré ce passé de violence, les membres du GPP aient exigé les fonds promis aux combattants lors de ces accords. « Vous considériez qu'il était injuste que les rebelles reçoivent de l'argent et pas vous ? », a demandé Emmanuel Altit. « Oui », a répondu le témoin, précisant que la somme réclamée était de 500 000 FCFA par personne.

Les membres du Commando invisibles étaient « insaisissables »

La défense s'est ensuite penchée sur les bombardements des hélicoptères français en avril 2011, alors que le témoin était basé au Palais présidentiel. L'avocat de Laurent Gbagbo a également voulu en savoir plus sur « le Commando invisible » et les « rumeurs » de présence de « mercenaires burkinabé » évoquées plus tôt par l'ancien numéro 2 du GPP. Mais, celui-ci n'a pas pu fournir de plus amples informations. Il s'est contenté d'expliquer qu'il n'avait pas lui-même combattu le Commando invisible. Les membres de ce « groupe dirigé par IB (Ibrahim Coulibaly) étaient presque insaisissables », a assuré le témoin, racontant comment ils se fondaient parmi les manifestants pour mener des attaques contre les forces de l'ordre.

Enfin, la défense a voulu interroger le témoin sur sa situation actuelle, et notamment son lieu de détention. Mais, le président de la Chambre a immédiatement coupé court à ces questions, rappelant qu'il était interdit d'aborder ce thème pour des raisons de sécurité.

En fin de journée, le bureau de la procureure a également eu l'occasion de réclamer des précisions sur les sujets abordés par les équipes de défense, notamment sur les relations entre les FDS et le GPP. Malgré les réticences des parties adverses, l'accusation a pu présenter au témoin un nouveau document. Il s'agit d'un listing de février 2011 comportant les noms des membres du GPP et d'autres milices voués à être intégrés dans les forces armées régulières. « C'est le seul membre du GPP qui sera appelé à témoigner », a expliqué Alexis Demirdjian, représentant du bureau de la procureure, pour justifier son recours tardif à ce document.

Au terme de ces trois semaines passées à La Haye, Metch Metchro Moïse Harold Fabrice a finalement été convié à prendre le chemin du retour. Un nouveau témoin devrait apparaître à la barre lors de la reprise du procès le 14 novembre.

Source : ivoirejustice

 

 

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