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Evènements de novembre 2004, slogans de campagne et clash entre avocats ce mardi à La Haye

15 mars 2016 - 21:30

Le deuxième jour du contre-interrogatoire de Sam l’Africain a été marqué par des discussions sur les évènements de novembre 2004 et notamment le rôle de la France à cette période, y compris l’implication directe de l’armée française dans la mort de civils. Une implication reconnue par le bureau de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).

Par Antoine Panaite

2002, 2004, 2010. C’est un peu à un tour de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, à travers les yeux de Sam l’Africain, qu’a été invité le public présent à l’audience de ce mardi.

C’est encore Emmanuel Altit, l’avocat principal de Laurent Gbagbo, qui menait le contre-interrogatoire. Le témoin P-44 a une fois de plus souligner l’implication de la France dans les affaires ivoiriennes depuis 2002. Pour lui, la France a, entres autres, créé la rébellion qui s’est manifestée lors du coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002.

L’actualité s’est alors invitée dans le prétoire. En effet, trois anciens ministres de l’ancien président Jacques Chirac pourraient être renvoyés prochainement devant la Cour de justice de la République (CJR) française pour avoir intentionnellement agi pour soustraire à la justice des mercenaires biélorusses soupçonnés d’être impliqués dans le bombardement de Bouaké ayant causé la mort de neuf soldats français et d’un humanitaire américain. Cette actualité judiciaire a été mentionnée lors d’un long moment mêlant analyse et vécu du témoin concernant les évènements de 2004.

« L’accusation reconnaît que les forces françaises ont tiré sur les manifestants… »

« On entendait les tirs, des tirs lourds de l’armée française sur la population civile », détaille Sam à la Cour quand il raconte comment il a vécu cette crise. Selon lui, les patriotes étaient partout pour empêcher l’armée française d’atteindre la présidence de la République. Ces patriotes (personnes qui défendent la patrie) comptaient à ce moment-là de nombreux « nordistes ». Il ajoute : « Les gens (l’armée française, ndlr) ont tiré à bout portant (…) des cartouches de 10 à 15mm (…) il y a eu plus de 80 morts ».

Après une courte vidéo montrant des images de blessés et de morts près de l’hôtel Ivoire où l’on entend des tirs, Éric Macdonald, substitut de la procureure de la CPI, prend la parole : « L’accusation reconnaît que les forces françaises ont tiré sur les manifestants et qu’il y a eu des morts ». L’accusation précise qu’elle accepte donc la vidéo et les faits survenus le 6 novembre 2004, même si elle précise que le nombre de morts n’est pas déterminé.

Sam l’Africain précisera dans son témoignage que les responsables de ces évènements« n’ont jamais été poursuivis ».

Les slogans de campagne n’ont rien d’offensif

Altit a ensuite abordé la question des slogans et le fameux « on gagne ou on gagne », un slogan de la campagne de Laurent Gbagbo. La chanson d’Antoinette Allany (qui a inspiré le slogan) a été passée et, dans la bouche de l’avocat français, le témoin voit en elle une « chanson d’inspiration religieuse » comme en témoignant les paroles. Sam l’Africain dira là encore que c’est une chanson festive et que les slogans de campagne sont tout aussi inoffensifs que les chansons qui peuvent les inspirer. L’idée de la défense est ici de montrer, par extension, l’absence de volonté cachée de rester au pouvoir coûte que coûte derrière le slogan « on gagne ou on gagne » de Gbagbo.

C’est aussi l’absence d’un plan que la défense a voulu souligner en revenant sur les propos tenus par Sam l’Africain face à Macdonald. « Pas planifié »« désordre ».Voici les mots que la défense a mis en exergue. Le témoin répètera aussi qu’il parle« de tous les camps », pro-Gbagbo comme pro-Ouattara, quand il assure que pendant la crise post-électorale, « il n’y avait pas de contrôle ».

Quand les avocats s’égratignent

Le contre-interrogatoire aura aussi été l’occasion pour Sam l’Africain de réitérer sa vision du « président Gbagbo » : un démocrate, un défenseur de la liberté de la presse et du multipartisme.

Un petit clash surviendra à la fin de cette audience entre Altit et Macdonald. Une altercation qui a conclu une journée parsemée de piques de part et d’autre (et plus rarement, d’amabilités). Répondant à Altit qui dira que tout le monde avait compris ce que le témoin disait, sauf le procureur, Éric Macdonald rétorquera : « Là vous plaidez pour la galerie, on ne plaide pas pour la galerie ! »

Le juge président Cuno Tarfusser arrêtera alors le procès. Non pas à cause de cette joute verbale, mais à cause de l’heure. Le juge précisera tout de même que voilà une bonne occasion de « calmer le jeu ». Reprise du combat ? Demain.

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