Scandale au sommet de l’Etat en Côte d’Ivoire

Hier soir la présidence ivoirienne a donc ordonné une enquête pour faire toute la lumière sur des malversations présumées attribués au ministre de l’Intérieur Désiré Tagro. Evidemment, le communiqué de la présidence signé du porte-parole de Laurent Gbagbo, Gervais Coulibaly, est repris in-extenso dans toute la presse ivoirienne. Il faut dire que les accusations sont extrêmement graves : le ministre de l’Intérieur est accusé, par le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, d’avoir truqué le concours d’entrée à l’Ecole nationale de police, au profit de membres de son ethnie ou de sympathisants du camp présidentiel.

Plus grave encore, Désiré Tagro est accusé de détournement de fonds et de corruption dans pas moins de trois dossiers : il aurait détourné des sommes mise à disposition par l’Etat pour le Hadj, le pèlerinage à la Mecque ; il aurait détourné des sommes payées à l’Etat par la société Trafigura pour l’indemnisation des victimes des déchets toxiques ; et il aurait perçu une somme de 10 milliards de FCFA de la société Sagem Sécurité, opérateur technique des élections.

Un signe encourageant ?

« Gbagbo donne un mois au procureur Tchimou pour établir la vérité », titre L’Intelligent qui se félicite de la fermeté de Laurent Gbagbo : « même si d’aucuns craignent déjà que l’enquête judicaire n’aboutisse nullement, et ne vise qu’à blanchir Désiré Tagro, affirme le journal, le fait que Laurent Gbagbo n’enterre pas le dossier et décide de tirer au clair les accusations de Mamadou Koulibaly, est un signe encourageant de ce que la lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique ne sont pas de simples incantations. (…) Si Laurent Gbagbo laisse entendre, poursuit L’Intelligent, que son ministre de l’intérieur doit expliquer et justifier des actes qu’il a posés, sans toutefois présumer de sa culpabilité ni jamais lui retirer sa confiance, c’est bien la preuve que le chef de l’Etat ne badine pas avec les affaires de l’Etat. Tous ceux qui ont vu dans l’affaire café cacao un coup de bluff, doivent savoir que le temps des intouchables est fini. »

Un Etat FPI ?

« Partialité de l’Etat, fraude, injustice sociale… – Comment le FPI (le parti présidentiel) a transformé la Côte d’Ivoire en une monarchie » : c’est le titre de L’Expression, autre quotidien ivoirien. Là, le ton monte d’un cran… L’Expression s’intéresse tout particulièrement au scandale du concours de l’Ecole de police : « ce dossier révélé par Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale, troisième vice-président du FPI, accusant le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, de magouille et de népotisme, établit un fait catégorique, estime le journal : les jeunes ivoiriens qui se ruent sur les concours de police, de gendarmerie, de l’ENA, bref tous les concours administratifs ont été toujours menés en bateau. On leur fait payer des droits d’inscription, ils font des examens médicaux, suivent des cours d’appui et, au finish, ce sont les privilégiés du régime qui occupent les 2/3 des places. (…) »

Ce qui est en cause dans ce débat, s’exclame L’Expression, c’est la partialité de l’Etat, la capacité des autorités à transformer la chose publique en une affaire privée où le mérite et la compétition n’existent pas. Ce qui est en cause, c’est ce clanisme, cette sorte de retour du parti-Etat qui discrimine ceux qui ne pensent pas comme le prince. L’impartialité de l’Etat n’a jamais été aussi en danger depuis l’ère de la Refondation. « De l’Etat pour tous, la guerre aidant, conclut L’Expression, on est passé à l’Etat du FPI. »

Par Frédéric Couteau, RFI, juin 21, 2010

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