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Présidentielle, grèves multisectorielles Gbagbo entre le marteau et l'enclume

Laurent Gbagbo a opté pour la méthode radicale, en vue de mettre fin à la grève des greffiers qui paralyse le système judiciaire depuis plusieurs jours. Le chef de l’Etat a en effet décidé de couper les vivres aux grévistes en suspendant leurs salaires. Il lève la main sur les greffiers à un moment crucial du processus de sortie de crise avec, notamment, le règlement des contentieux sur la liste électorale provisoire en vue du scrutin présidentiel dont la période est fixée fin « février-début mars 2010 ». « Pour la période allant du mardi 15 décembre 2009 jusqu’à la fin des élections, le gouvernement est autorisé à « recruter en qualité de greffier ad hoc toute personne ayant les compétences nécessaires pour accomplir cette tâche », selon une « décision » signée du chef de l’Etat. »Cette mesure vise à lutter contre toute obstruction au bon déroulement de la justice et du processus électoral et de sortie de crise », poursuit le communiqué lu à la télévision par Tyéoulou Dyéla Félix, secrétaire général du gouvernement. .Gbagbo a, par ailleurs, décidé de suspendre l’ordonnance de 2008 dont l’application devrait améliorer leur statut et leur rémunération. « L’ordonnance N° 2008-16 du 11 février 2008, portant statut particulier des greffiers est suspendu jusqu’à nouvel ordre et ne peut donc connaitre de mesure réglementaire d’application »… Ces greffiers ont débrayé depuis plusieurs jours pour obtenir un décret d’application de cette ordonnance. Les négociations avec le gouvernement viennent de connaitre un malheureux dénouement. S’agit-il d’un bluff ou d’une réalité ? Le gouvernement joue-t-il à se faire peur ? Sommes-nous en face d’un ballon d’essai, voire d’une contre offensive visant à casser la résistance des greffiers ou alors s’agit-il d’une décision définitive et sans appel de la part du gouvernement ? En tout état de cause, cette décision de Gbagbo sera lourde de conséquence, aussi bien pour lui que, pour les personnes visées. Elle fait planer un réel péril sur le processus de sortie de crise, d’autant qu’elle intervient au moment du traitement des contentieux sur la liste électorale provisoire. Les greffiers tiennent un rôle plus que capital dans la régularisation de ces contentieux. Il leur revient notamment de délivrer des certificats de nationalité aux requérants qui se trouvent parmi les 1,033 million de « cas litigieux ». En décidant de croiser le fer avec ces fonctionnaires Gbagbo fait, une fois de plus, un pas, selon des observateurs, vers le blocage total des élections, lui qui est présenté, à tort ou a à raison, comme étant opposé à la tenue du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire. Entre deux feux… Pour certains observateurs, cette décision apparait comme un net aveu d’impuissance pour le chef de l’Etat de régler une crise sociale. Gbagbo avait-il le choix ? Entre l’engagement qu’il a pris de veiller à la gestion rigoureuse des fonds de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) et les nombreuses promesses qu’il a faites, tous azimuts, aux différents corps sociaux, peu avant la signature du point de décision, Gbagbo est pris aujourd’hui entre deux feux. Les institutions de Breton Wood et la fronde sociale. Pour ainsi dire, il est entre le marteau des bailleurs de fonds et l’enclume des grèves multisectorielles. Le 2 avril 2008, Gbagbo prenait l’engagement de « veiller à la gestion rigoureuse des fonds de l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) », à laquelle la Côte d’Ivoire venait d’être admise. Il s’agissait d’un prêt préférentiel de 565 millions de dollars sur trois ans. « Le premier défi que nous avons à relever avec cet appui financier, est celui de sa bonne utilisation. C’est une question de responsabilité et je veillerai que cela se fasse dans la rigueur et la transparence. J’y attache du prix », avait-il déclaré à la télévision nationale, à la suite de l’accord de financement annoncé par le Fonds monétaire international (FMI). Mais, deux mois plus tôt, dans la perspective de l’octroie de ce prêt, Gbagbo s’était allé à des promesses. Il a signé trois ordonnances, portant statut particulier des greffiers, revalorisation des salaires des enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, ainsi que celui portant paiement des indemnités contenues dans le décret N° 003 du 4 janvier 2008. Aujourd’hui, à l’heure de la mise en œuvre de toutes ces promesses, le chef de l’Etat fait volte face et se saisit d’un bâton pour « frapper fort », de sorte à tuer dans l’œuf toute velléité de contestation. Quoiqu’il en soit, le chef de l’Etat se trouve sur une corde raide. Le moindre faux pas risque de tout péricliter, dans un sens comme dans l’autre. S’il veut atteindre le point de décision dans l’initiative Ppte, il doit maintenir un climat politique et social paisible durant toute la période qui court, tout en faisant preuve de rigueur dans la gestion des ressources nationales. Le moment n’est pas indiqué, pour le chef de l’Etat de procéder à des augmentations de salaires. Mais, s’il ne satisfait pas aux revendications des grévistes, il aura entre ses mains une bombe sociale, avec notamment des grèves à n’en finir. A l’opposé, s’il satisfait aux revendications des travailleurs, il se mettra immanquablement à dos la Banque Mondiale et le Fmi. Parce que le prêt préférentiel de 565 millions de dollars qui a été consenti par le Fmi à la Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’initiative Ppte n’est pas destiné à augmenter les salaires des travailleurs, mais plutôt à faire face à une pauvreté croissante dont le taux est estimé à 48,94 pour cent. Gbagbo est donc sérieusement coincé…

Soir Info Armand B. DEPEYLA

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