EXCLUSIF - La grande interview de Faustin Toha « La non tenue de l'élection présidentielle justifie le titre de mon livre »

26.10.2009 Interview réalisée par Gbansé Douadé Alexis -pour le Journal de Connectionivoirienne.net (www.j-ci.net)

Faustin Toha est l’auteur d’un essai politique au titre jugé provocateur "Devoir de Mensonges, crise à l’ivoirienne". A l’occasion du premier anniversaire de la publication de son premier livre qui continue de défrayer la chronique, le journaliste politique justifie le titre de son ouvrage par une analyse toujours pertinente.

Vous êtes l’auteur d’un essai politique intitulé ‘’Devoir de Mensonges, crise à l’ivoirienne’’ publié aux éditions Nei/ Ceda, (242 pages) depuis le 31 octobre 2008 sur la crise politico-militaire déclenchée en septembre 2002. Un livre qui continue de défrayer la chronique. Quel bilan faites-vous ?

C’était un rêve qui est devenu par la suite une réalité. Du journalisme à l’écriture. Cet essai politique est le témoignage mien pour éviter que certaines personnes ne prennent en otage un événement qui nous a tous bouleversés. Comme ceux qui ont écrit sur la crise déclenchée en septembre 2002, je suis heureux d’avoir apporté ma modeste contribution à ce travail de recherche. Les nombreux livres qui ont été publiés ne doivent pas empêcher d’autres personnes de continuer de mener la réflexion. Je les y encourage. Moi j’ai choisis d’écrire du vivant des acteurs avec la volonté de faire un travail de journaliste. Ce qui n’est pas toujours sans danger. Pour le reste, les lecteurs peuvent juger de ma volonté de me mettre a équidistance de tous les groupes d’intérêts. Notamment les partis politiques et par ricochet la classe politique. Je pense que j’ai gagné ce pari. Celui de la neutralité engagée. J’avais commencé par une campagne éditoriale à Paris avant sa publication. Je suis retourné à Paris dans le cadre du salon international du livre. En Côte d’Ivoire, j’ai continué avec des interviews dans la presse dans le cadre de la promotion du livre et des dédicaces dans les librairies de France dans la capitale économique. Je pense que ces moments ont été très enrichissants. Il y a eu des échanges avec des lecteurs pendant ces dédicaces. Beaucoup comprennent que la vérité est la somme de toutes les vérités. Quelques invitations à l’intérieur du pays. J’ai été aussi l’invité de la fondation Memél Fotê qui a un partenariat avec l’association des écrivains de Côte d’Ivoire. Je suis heureux de l’accueil que les lecteurs lui ont réservé.

Mais il y a eu l’interdiction de dédicacer à Bongouanou. Comment avez-vous vécu cela ?

Je pense que ceux qui ont pris cette décision n’acceptent pas encore le débat contradictoire. Et ils gagneraient à ne pas tomber dans ce piège. Cela ne fait pas d’ailleurs honneur à notre pays. Je me souviens encore des protestations dans la rue pour la défense de la liberté d’expression quand ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir étaient dans l’opposition. Nous rêvions d’une société de débats. Mais j’ai bien peur pour mon pays. Un pays où on tolère la prise des armes et l’on s’attaque à des citoyens qui réfléchissent pour faire avancer la société. Pour moi c’est de la haute trahison. Cela ne peut pas venir d’intellectuels. En tous cas ceux qui ont un profond respect de la démocratie. Moi j’ai décidé d’écrire sans parti pris. Je pense que cela n’est pas un crime contre l’humanité. J’avais déjà répondu aux uns et aux autres que ‘’ Devoir de Mensonges, crise à l’ivoirienne’ n’est pas un document subversif. C’est un ouvrage qui n’a pas la prétention d’avoir perçu tous les pans de la crise à l’ivoirienne. Mais il n’a pas voulu tomber dans une certaine complaisance au risque de manquer son objectifs : garder une véritable indépendance dans le traitement des faits. Heureusement qu’au sein même de ceux qui semblent me combattre tout le monde n’est pas du même avis. Je reçois des soutiens.

Depuis le 27 février 2009 vous avez été licencié du port autonome d’Abidjan pour dit-on ‘’ suppression de poste’’ où vous étiez le responsable du département communication. Etait-ce une sanction pour avoir écrit avec beau coup de liberté ?

C’est d’abord le manque de considération des choses de l’esprit. A la vérité, si on ne se reproche rien on ne peut pas réagir de la sorte. Et ceux qui pensent maintenir leurs concitoyens dans un état d’ignorance organisée ne doivent pas en être fiers. Je pense que chacun de nous a sa place dans la construction de notre pays. Monsieur Marcel Gossio en signant ma lettre de licenciement avec ce motif fantaisiste et arbitraire a oublié sa propre histoire. Celle qui vaut en partie sa promotion depuis l’avènement du Fpi au pouvoir. Encore que moi je ne suis pas dans une logique de conquête du pouvoir d’Etat. Et si c’était le cas d’ailleurs ? Dans tous les cas au moment venu je parlerai pour la manifestation de la vérité. C’est lui que l’histoire jugera parce qu’il lui sera très difficile de prouver que mon licenciement n’est pas lié à la publication de mon livre, qui n’avait pas pour objectif de faire la promotion d’un parti fut-il celui de monsieur Gossio.

Dans l’avertissement que vous faites dans votre livre vous soulignez le caractère atypique de la classe politique ivoirienne. Est –ce une particularité ?

Je souligne ce qu’elle a montré à la face du monde. C’est par exemple la transformation de la politique en pugilat et en un immense gymnase où tous les coups sont permis. En démocratie les partis politiques et mouvements qui animent la vie socio-politque se surveillent les uns des autres, se critiques pour améliorer la vie de leurs concitoyens. Malheureusement nous n’assistons pas à des débats pour que chaque groupe d’intérêt présente son programme de gouvernement et ceux qui le mettront à exécution en cas de victoire aux élections. Aujourd’hui il y a un consensus né d’arrangements successifs qui me font penser à un retour du parti unique avec la volonté de chaque camp de résister à la tenue de véritables élections. Il y a un arrimage au mandat du président Gbagbo qui profite à ses partisans et courtisans. Tout le monde est d’accord pour faire perdurer cette situation en dépit des grands risques que cela fait courir à la Côte d’Ivoire.

 

 





Vous soutenez que le scénario d’hypothétique élection ne laisse pas présager d’un retour imminent à la paix. Comment expliquez vous cela ?

Dans mon livre j’explique qu’il y a avant tout, une volonté de tisser des alliances dans un contexte flou où les courants idéologiques disparaissent au profit des clans. A mon avis, il y a un danger qui guette la Côte d’Ivoire. Est-ce que les leaders politiques joueront la carte du vote qui ne prendrait pas en otage leurs groupes ethniques ? Tout dépend du discours qu’ils voudront tenir devant ceux-ci. Encore faut-il que la liberté de mouvement soit reconnue pour tous. Un autre danger comme je l’explique est la forme triangulaire de la conquête du pouvoir d’Etat qui se résume depuis une décennie à Gbagbo, Bédié et Ouattara. La non tenue de l’élection présidentielle justifie le titre de mon livre.

Les deux derniers sont les leaders respectifs du Pdci et du Rdr et ont eu selon les circonstances des alliances entre eux ou avec le Fpi de Gbagbo. Et chacun a sa revanche à prendre.
Ce sont ces différentes combinaisons qui complexifient la sortie de crise. Par exemple Gbgabo s’est pris au jeu de l’houphouëtisme. Ce qu’il avait critiqué trente ans durant quand il combattait le régime du Pdci. Mais rassurez vous toutes les combinaisons qui sont servies aux populations reposent difficilement sur des projets de société cohérents.

Jusqu’à présent la société civile ivoirienne accompagne le processus de sortie de crise. Est-ce qu’on peut s’attendre à une vraie implication de la part des responsables ?

Tout laisse croire que chacun veut s’engager dans le processus de sortie de crise quelque soit sa position. Mais il faut reconnaître que peu de personnes font confiance à cette société civile jugée partisane. Et il est urgent que le défi de l’impartialité soit relevé. En le faisant, les populations seront plus rassurées. Et il est important que tous les acteurs se mobilisent pour réussir ce pari. L’un des problèmes majeurs sera certainement le rôle que voudra jouer la Fesci. Quel sera le candidat de ce syndicat ? La Fédération des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire pourra-t-elle faire montre d’une hauteur d’esprit ? Il faut engager le débat dès à présent pour éviter un autre chaos. N’oublions pas que cette crise politico militaire déclenchée en septembre 2002 trouve aussi ses origines dans les conflits entre les anciens dirigeants qui apportent leur soutien à leur parrain respectif. Tous des leaders politiques.

Vous soutenez que la jeunesse ivoirienne est sans opportunité. Cela est-elle la conséquence de l’échec des politiques ?

Dans mon livre je me réfère à des exemples précis. La Côte d’Ivoire a une jeunesse nombreuse, déboussolée et en quête de modèles, qui voit dans la politique le seul moyen de s’enrichir et de se socialiser. Je souligne l’absence d’une classe politique qui donne à la jeunesse d’autres opportunités. C’est ainsi que tous les soient-disant leaders politiques sont redevables à ceux qui gèrent au quotidien leurs besoins, du reste immense. Comment mettre cette jeunesse au travail ? Combien y pensent dans leur programme de société ?

L’élection présidentielle est en passe d’être encore reportée même si la structure en charge de son organisation n’a pas publié de communiquer dans ce sens. Dans votre livre vous êtes revenu à plusieurs reprises sur cette élection en la qualifiant d’hypothétique. Pourquoi ce grand doute ?

 

La date du 29 novembre 2009 devient un fond d’écran qui va à son tour disparaître du décor. Comme toute les autres date indiquées depuis 2005.
Etait-ce une volonté déguisée des acteurs ? Toujours est –il que le constat pourrait être décevant pour ceux qui avaient cru à cette belle aventure. Ne serait-ce qu’au respect de la date. Je crois que le facilitateur, le président Blaise Compaoré du Burkina dont je parle aussi dans le livre pourra nous donner les vraies raisons. Mais comme je l’explique il y a des dessous de cartes qui font qu à chaque étape cruciale, il y a semble-t-il des arrangements qui frisent la compromission. Il y a aujourd’hui un autre discours qui veut qu’on traîne le plus longtemps possible avant d’aller aux élections. Mais cela peut ressembler à des réunions au cour desquelles tout le monde veut prendre la parole pour ressasser les mêmes choses. Au bout du compte rien de concret. Pure perte de temps. Est-ce que les acteurs peuvent s’imposer une rigueur pour sortir les ivoiriens de cette situation qui est tout aussi intenable que ce que certains veulent nous faire croire ? Tout est une question de volonté collective. Et c’est ce qui fait cruellement défaut.

Vous analysez de façon particulière les relations entre les présidents Gbagbo et Comparé. Vous dites même que le chef de l’Etat burkinabé estime qu’il est du devoir de la Côte d’Ivoire de demeurer un espace communautaire. Est-ce que cela est pris en compte dans la recherche de sortie de crise ?

J’ai prévenu les lecteurs qu’il y a une difficulté à analyser un présent en constante évolution. Mais dans ‘’la crise à l’ivoirienne’’ comme l’indique le sous-titre de mon livre le temps refuse de prendre son envol et rappelle aux uns et aux autres la falsification des faits qui a alimenté tout ce que le pays traverse. Gbagbo et Compaoré ont connu des brouilles liées à des problèmes historiques et personnels. Nous sommes un peu dans le schéma de ce que l’on peut appeler la parenthèse de 1932 à 1947. En effet, une partie de la Haute-Volta, une autre colonie française, fut incluse dans la Côte d’Ivoire. C’est un territoire pauvre, héritier d’une longue histoire de royautés précoloniales. Cette délimitation des frontières étendait le ‘’territoire ivoirien » jusqu’à la ville burkinabé de Kaya, un peu plus dans le Nord, c'est-à-dire au-delà de ouagadougou. Aujourd’hui on peut penser que l’influence se fait dans le sens inverse.
Vous savez que la Côte d’Ivoire demeure à la fois un modèle et un enjeu. Effectivement, l’idée que ce pays a été construit grâce à des personnes venues du septentrion, peut poser problème. Dans tous les cas le chef de l’Etat burkinabé que certains membres du gouvernement ivoirien qualifient désormais ‘’d’allié respecté’’ ne lâchera pas sa proie de sitôt après. Il sait que quelque soit le président élu celui-ci lui sera redevable.

Vous avez fait les portraits de Gbagbo, Bédié Ouattara et de Guillaume Soro. Les Ivoiriens savent-ils vraiment qui sont-ils ?

J’ai fait un portrait qui est discutable. Sans doute. Mais je l’ai fait en toute liberté. J’invite les lecteurs à y prêter attention avant de porter leur choix définitif. Je souhaite que chacun fasse sa propre analyse.

Prochainement en vente sur Connectionivoirienne.net

"Devoir de Mensonges, crise à l’ivoirienne"

info@connectionivoirienne.net

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Commentaires

  • geteprearia
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