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Bouaké : Un conclave pour rien. Soro Guillaume désavoue le camp présidentiel

Véritable pied de nez du Premier ministre Guillaume Soro et des Forces nouvelles aux revendications du camp présidentiel visant, notamment, la remise à plat de la liste électorale provisoire des 5,300 millions votants, l’audit de cette liste provisoire pour y extirper des « étrangers », la recomposition des CEI locales, la révision du mode opératoire prescrit par l’Accord politique de Ouagadougou (APO), qui voulait que les contentieux judiciaires passent absolument par une saisine des CEI locales. Le camp présidentiel, depuis la chute de Robert Mambé Beugré (ancien président de la CEI) remue ciel et terre en faveur d’un « mécanisme plus souple en vue de la radiation des étrangers qui seraient présents sur la liste électorale provisoire ». Mais, les Forces nouvelles et leurs leaders, en particulier Soro Guillaume (Premier ministre), réunis au grand complet, à Bouaké, dans leur fief le weekend dernier, ont adressé, à travers déclaration et communiqué final, un cinglant désaveu aux partisans du Chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. « Je pense que pour faire les élections, il faut une volonté politique. La volonté politique simplifie les choses. Et je crois que la Côte d’Ivoire a besoin des élections. Quand on prend du point de vue de l’Etat, c’est bon qu’on fasse des élections. C’est bon qu’on aille aux élections… C’est pourquoi je voulais exhorter les Ivoiriens, la classe politique, à tout mettre en œuvre pour qu’on aille aux élections. C’est pourquoi je voulais exhorter les Ivoiriens… Nous avons fait notre part qui était de doter la Côte d’Ivoire d’une CEI. Elle a été mise en place. Nous avons fait notre part en désignant les opérateurs techniques qui sont là pour assister la CEI pour préparer les listes. Le travail réalisé par l’Ins et la Sagem-Security, en ce qui concerne les 5,300 millions personnes est fiable. Je demande aux Ivoiriens de garder la sérénité… Plus nous ne faisons pas délections, moins on nous prend au sérieux.

Or, c’est important qu’on aille aux élections et qu’enfin, on franchisse une étape importante du processus de sortie de crise. Donc, j’en appelle de tous les vœux. Faisons l’élection rapidement, maintenant, parce qu’il est possible de faire cette élection… Profitons de l’accalmie qu’il y a pour faire les élections. Je plaide pour des élections rapides en Côte d’Ivoire ». « Liste électorale fiable… » Ce substrat du discours du chef du gouvernement, tenu dans son fief de Bouaké se détache des thèses défendues par les partisans de Gbagbo. Car, au-delà de son caractère d’un « Sos » pour la tenue d’élections présidentielles rapides, reportées déjà cinq (5) fois depuis 2005 sonne, pour de nombreux observateurs, « comme un désaveu ». En plaidant pour des élections rapides et affirmant haut et fort que la liste est propre, Soro Guillaume prend ses distances vis-à-vis des positions du camp présidentiel. Soro, Guillaume, avec cette sortie, coupe l’herbe sous les pieds du nouveau président de la CEI qui n’a toujours pas donné sa position sur la polémique entre les deux camps. Le parti du président ivoirien Laurent Gbagbo a exigé mardi dernier que les étrangers soient « extirpés » de la liste des votants, après l’installation d’une Commission électorale indépendante (CEI) renouvelée. « Le travail que la CEI doit faire maintenant, c’est de faire en sorte que nous ayons des listes propres », a déclaré à l’AFP Martin Sokouri Bohui, secrétaire national aux élections au Front populaire ivoirien (FPI). « Tant que les listes ne seront pas propres, on n’ira pas aux élections », a-t-il averti. « Nous voulons un mécanisme pour extirper les fraudeurs de la liste », car le système prévu « ne permet pas de déceler » les « nombreux » étrangers présents, a-t-il dit, réclamant aussi une recomposition des commissions électorales locales. Mais l’opposition n’est pas de cet avis. « Il n’est pas question de mettre à l’ordre du jour » le renouvellement de ces commissions et la révision du mode opératoire du contentieux sur la liste, a réagi Mamadou Sanogo, secrétaire national aux élections au Rassemblement des républicains (RDR) de l’opposant et ex-Premier ministre Alassane Ouattara. « Ce serait un point de blocage », a-t-il prévenu. Selon M. Sanogo, le camp Gbagbo met en avant « des alibis très fallacieux » pour renvoyer le scrutin présidentiel à « la période d’octobre 2010″, ce qui permettrait au chef de l’Etat de boucler dix ans de pouvoir. Face à ces deux positions qui s’excluent dans leur fondement, le Premier ministre Soro Guillaume vient de trancher. « Le travail fait par l’Ins et la Sagem-Sécurity est fiable » a dit s’alignant, notamment sur les positions de l’Onuci, du Rhdp et du Facilitateur qui plaident pour la préservation « des acquis ». Comme si cela ne suffisait pas, les Forces nouvelles, au sortir de leur conclave, ont jeté un véritable pavé dans la marre, en ce qui concerne, notamment, les questions fondamentales liées à l’organisation des élections et leur désarmement et la réunification du pays. Les Forces nouvelles se sont simplement « engagées » à désarmer leurs troupes avant l’élection présidentielle officiellement prévue fin avril-début mai.

Soro Guillaume et ses hommes (au grand complet), ont achevé leur conclave sans envoyer un message fort, ni aux Ivoiriens, ni à la communauté internationale. Toutes les questions de fond ont été éludées. Les FN « s’engagent à appliquer le DDR », le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants, « un mois » avant la tenue de l’élection présidentielle ont-ils dit. Là où l’on attendait des décisions courageuses, le chef du gouvernement a demandé aux « Ivoiriens la patience et surtout la sérénité parce que le désarmement se fera conformément aux accords (…). On a pris un engagement, on l’appliquera » a affirmé M. Soro, presque du bout des lèvres. « La question du désarmement ne doit pas faire peur aux uns et aux autres » a-t-il ajouté, évoquant « un processus long ». Le dernier accord de paix, signé fin 2008 en complément à « l’accord politique de Ouagadougou » de 2007, prévoit le désarmement des éléments FN qui n’auront été ni démobilisés ni reversés dans des brigades mixtes (loyalistes et ex-rebelles) chargées de sécuriser la prochaine élection. Mais, les FN continuent de tourner en bourrique les Ivoiriens en particulier le Front populaire ivoirien (FPI), qui réclame, ici et maintenant, le désarmement des FN avant le scrutin. Soro Guillaume et ses hommes hommes qui ont glissé sur toutes les questions essentielles, ont jeté, pour certains observateurs, de la poudre aux yeux des Ivoiriens. Le camp présidentiel sait maintenant à quoi s’en tenir avant le lancement, la semaine prochaine, pour une période de 21 jours, du traitement des contentieux sur la liste électorale. Les réclamations devraient se faire devant les CEI locales…

Armand B. DEPEYLA ; Soir Info:MARS 16, 2010

 

 

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