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Pouvoir et Autisme politique

L’exercice du pouvoir est-il le syndrome de l’autisme politique? L’autopsie de la vie politique africaine ou l’observation de la pratique politique des gouvernants africains, permet d’isoler ce syndrome d’autisme.

L’autisme politique est l’attitude des gouvernants politiques à ne plus écouter ou à être déconnectés des réalités ou des préoccupations du peuple duquel ils s’éloignent une fois au pouvoir et s’en approchent lorsqu’ ils ont besoin de leur suffrage pour se maintenir au pouvoir. L’autisme politique est donc une attitude de repli, de renfermement ou de bunkerisation, qui entraîne, consciemment ou inconsciemment les gouvernants à se murer ou à se couper, volontairement ou non, de la réalité sociologique ou politique. 

Les autistes politiques ne perçoivent ou ne mesurent plus l’écart qui les éloignent des gouvernés et qui entame de ce fait leur légitimité qu’ils confondent, parfois sinon souvent, avec la légalité du pouvoir politique. Ils s’expriment beaucoup et écoutent peu (écoute sélective) ou n’écoutent pas du tout. Leur autisme n’induit pas leur L’autisme politique trouve sa source dans des conceptions personnelle, patriarcale et la conception personnelle nait de la relation phallique ou fusionnelle avec le pouvoir. 

Celui-ci se réduit et se confond à la personne des chefs d’Etats ou des gouvernants.
Ces derniers finissent par penser que le pouvoir vient de leur personne ou de dieu et non du peuple. Exercer le pouvoir ou du pouvoir peut donner la sensation d’une omnipotence, d’une omniscience ou d’un surhomme. « L’Etat, c’est moi », disait Louis XIV le 13 avril 1655 devant les parlementaires parisiens. Cette expression résume bien l’état d’esprit du pouvoir personnel. La personne se confond à l’institution ou à l’Etat qu’il est censé représenter. Cette confusion conduit certains chefs d’Etat à sauter les verrous de limitation de mandats ou à opter pour des mandats illimités oubliant que seul l’Etat est permanent et qu’ils ne sont que des agents d’exercice essentiellement passagers. Le pouvoir personnel est source d’abus et d’autisme politique. C’est une expérience éternelle que tout homme qui a 
du pouvoir est porté à en abuser, écrivait Montesquieu en 1748 (De l’Esprit des Lois).

La conception patriarcale du pouvoir politique est porteuse de germes d’autisme politique. La survivance de cette conception bien que latente et inconsciente, a imbibé les mentalités et les pratiques sociologues. L’idée du patriarche qui régnait sur les micros communautés en distribuant les indulgences selon son bon vouloir, est entretenue et perpétuée inconsciemment par la population africaine. Elle a pour incidence le principe de l’infaillibilité du chef, du patriarche (du Président). Dans cette logique, si le Président Patriarche jouit d’une infaillibilité ou ne saurait se tromper, il ne peut et ne doit faire l’objet de contrôle dans sa gestion politique. A l’inverse, il a le droit de contrôler les gouvernés. Cela pourrait justifier l’idée de confusion de fait des pouvoirs politiques et celle de confusion de fait entre biens publics et biens privés. 

Dans tous les cas, une telle conception est antinomique avec l’état de droit. 
Les comportements claniques sont une autre pratique sociologique qui peut entrainer l’autisme politique. Si la conception clanique est la résultante de la conception patriarcale, il convient de noter que ces deux conceptions entretiennent entre elles une relation d’ambivalence. L’une est la mère nourricière de l’autre et vice-versa. Le fait d’organiser des fêtes en l’honneur des cadres du village ou de la région, lorsqu’ils sont nommés ministres ou élus présidents (d’institution ou de la République), désagrège l’unité nationale. Cela implique que la personnalité ainsi fêtée ne reconnaîtra que les siens à l’exclusion de toutes les autres composantes nationales. 

De même, les siens le soutiennent uniquement parce qu’il est des leurs. Ces 
comportements imprègnent la lutte politique acharnée pour que le Président de la République vienne de son clan, de son village, de sa région.

L’autisme politique à des conséquences non négligeables sur la vie politique des États africains et des gouvernants eux-mêmes. 

L’obstination à modifier la limitation du nombre de mandats présidentiels contre le gré du peuple qui a fait instaurer une telle limitation pour garantir alternance politique, est parfois la résultante d’un autisme politique. Cet autisme entraîne des remous sociaux ou des changements anticonstitutionnels qui conduisent à une incertitude politique et à des expérimentations politiques atypiques aux couleurs tropicales. L’autisme a donc pour conséquence, à travers les remous socio-politiques engendrés, de saper l’ordre public ou d’instaurer un nouvel ordre politique.

Pendant longtemps, l’expression de l’autisme politique en Afrique a consisté en la fermeture du scrutin en écartant les opposants politiques du fait du défaut de légitimité suffisante ou de la fébrilité politique des dirigeants au pouvoir.

Pour être à l’abri de l’autisme politique, que faut-il faire? Sans doute, les gouvernants devraient songer à mettre des groupes de réflexions politiques et non des groupes politiques de réflexion, composés d’experts ou d’analystes politiques et non de politiciens. Ces personnes ne devraient pas être dans la gestion quotidienne des affaires de l’Etat. Comment peut-on être dans l’arène et observer l’arène? Peut-on être en même temps joueur et entraîneur? Il convient de se détacher ou de sortir de l’arène politique pour mieux l’analyser et l’observer. Cette démarcation semble nécessaire pour ne pas se confondre avec l’arène politique ou se fondre à elle, en vue de garantir la pertinence et la crédibilité des avis et recommandations du groupe 
de réflexions politiques. L’autisme politique des gouvernants africains peut donc se soigner afin de « vivre ensemble » en harmonie, pour que « l’émergence » de nos Etats ne soit pas illusoire ou chimérique. Amen !

Dr. GUIBESSONGUI N’Datien Séverin

Docteur en Droit des Télécommunications

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