Ma mère m’a livrée

 

Il nous adopta comme ses propres enfants et ne lésina pas sur les moyens pour payer les études de mes deux frères et moi…. J’étais donc de m’imaginer que cette générosité aurait un prix.

 

Mon père était à l’agonie. Cette pernicieuse maladie dont il souffrait l’avait considérablement amaigri. On ne voyait plus que ses os. Sa respiration, devenue pénible, produisait un soufflement aigu. Voilà près de deux mois que papa était dans un coma profond. Cette fois, je ne priais pas pour qu’il se réveille, mais pour qu’il reste à jamais dans son sommeil. Papa souffrait trop depuis près de cinq ans. Il est tombé plusieurs fois dans le coma et j’ai prié le Tout Puissant pour qu’il se rétablisse. Il a fréquenté de nombreux centres hospitaliers en Côte d’Ivoire et même hors du pays. Allant au Maroc, en Israël, en France… En désespoir de cause il se tourna vers de grands mystiques. Mais il put venir à bout de ce mal qui le rongeait à petit feu. A la maison, on avait un sac rempli de médicaments de toutes sortes. Papa dépensa tout son argent dans les frais médicaux. Heureusement, Tonton Mathieu, son petit frère qui vivait en Europe, lui envoyait de l’argent. Ma mère n’était plus assidue au travail. Elle enchaînait les permissions pour être au chevet de son mari. L’accompagnant dans ses voyages hors du pays pour se faire soigner.

 

Pour moi, papa était un père de famille exemplaire. Il nous donnait tout ce dont nous avions besoin, mes deux frères (Jeannette, Guy Roger) et moi. Nous étions très heureux. Il souhaitait pour nous un avenir radieux et nous avait promis d’aller poursuivre nos études en Europe. Haut cadre dans l’administration, papa avait les moyens de sa politique. En plus, il faisait ses propres affaires.

 

Il avait une grande ferme à Bingerville où il nous amenait, mes frères et moi les week-ends. Ma mère y allait rarement pour la simple raison que la ferme était située en pleine brousse et qu’elle ne tenait pas à se faire mordre par un serpent ou autres bestioles. Mon père en profitait pour faire venir tante Véronique, sa maitresse. C’était une belle dame, gentille et moins âgée que notre mère. En outre, elle était un véritable cordon bleu qui nous confectionnait de très bons plats de poulet. C’était une petite fête chaque week-end quand elle venait nous trouver à la ferme. Il y avait toujours une petite surprise dans le coffre de sa voiture que les manœuvres de mon père se précipitaient pour faire sortir. Ma mère ignorait l’existence de cette femme dans la vie de mon père. Et elle ne devait pas compter sur nous pour l’informer de l’infidélité de son époux. Mes deux frères et moi étions de véritables complices de papa. Nous lui avions promis de ne jamais révéler à maman qu’il dormait avec une autre femme à la ferme où il avait construit une belle maison très bruyante quand nous étions là avec son groupe électrogène. Mais un jour, maman avait confectionné un plat spécial qu’elle tenait à nous faire manger. Ce plat était fait à base de poulet. Elle avait pris la recette dans un livre de cuisine et croyait nous faire une surprise, mais que non. Ce plat, nous l’avions déjà mangé. Et ce week-end même avec tante Véronique. Alors ma petite sœur Jeannette lui dit ingénument que nous avions déjà mangé ce plat. Et quand maman lui demanda où, elle cracha le morceau.

-     C’est tantie Véronique qui nous a fait ce plat.

Il eut un silence à table. Je regardai mon petit Guy Roger pour voir sa réaction à cette bourde de notre sœur qui avait à peine douze ans. Ma mère voulut savoir qui était tantie Véronique. Jeannette devint muette comme une carpe. Elle s’était rendue compte de sa gaffe. Maman insistait pour qu’elle parle. Je retins mon souffle. Allait-elle révéler l’infidélité de mon père, me demandais-je toute inquiète. Mais Jeannette était bien intelligente.

-     Maman, tantie Véronique est la dame qui vient acheter des poulets et des œufs à la ferme… Répondit-elle sereinement.

            Mon père se mit aussitôt à rire à gorge déployée attirant ainsi l’attention de tous sur lui.

-    Elle t’a bien eue. Tu as cru que je te trompais. Véronique est une de mes fidèles clientes. Elle est mariée à un directeur de société. Un jour, je lui  demanderai de te montrer ses recettes.

Ma mère, apparemment, avait gobé cette histoire. Mais un jour, elle débarqua à la ferme sans prévenir mon père qui était loin de s’imaginer qu’elle viendrait dans cette brousse. Ce matin-là, maman demanda à tonton Mathieu, le petit frère de papa, de l’accompagner à la ferme. Nous étions encore couchés quand nous entendîmes le bruit d’une voiture. On crut avoir affaire à un de ces nombreux clients qui venaient très tôt les dimanches pour acheter des poulets et des œufs. Aussi nous ne prêtâmes guère attention.  Ma mère eut donc tout le temps de descendre de sa voiture et de venir frapper à la porte. Les manœuvres, surpris,  ne purent prévenir mon père. Et c’est ce dernier qui vint ouvrir la porte et tomba sur sa femme. De notre chambre, on entendit la voix de maman. Nous sortîmes aussitôt. Papa avait un pagne noué autour du bassin et demandait à maman de s’assoir au salon. Mais elle n’était pas dupe. Elle avait deviné qu’il y avait une femme dans sa chambre. Aussi voulut-elle à tout prix entrer dans la pièce. Mon petit oncle Mathieu la retint fermement le temps que papa entre dans la chambre pour s’habiller. Maman était dans tous ses états. Quand tantie Véronique sortit de la chambre, notre mère voulut se jeter sur elle, mais tonton Mathieu l’avait solidement retenue. La maîtresse de papa sauta dans sa voiture et quitta la ferme à toute vitesse. C’était la plus grande crise qu’a connue notre famille.

 

Ma mère, très en colère, alla habiter chez l’une de ses amis. Mon père dépêcha plusieurs délégations pour lui demander pardon. Elle avait du mal à diriger son infidélité et demandait le divorce. Il fallut près de deux mois pour que ma mère revienne à de meilleurs sentiments. En contrepartie, elle exigea de mon père une nouvelle voiture car, selon elle, il en avait offert une à sa maîtresse. Mon père s’exécuta bien qu’il traversait une période difficile. C’était la période où il avait commencé à investir dans une plantation d’hévéas sur la route de Dabou, c’était le prix à payer dans ces moments difficiles.

 

Entre temps, avions tous peurs. On se disait que maman allait nous mener la vie dure pour avoir été les complices de papa. Mais elle nous aimait toujours. A son retour, j’eus l’impression qu’elle s’occupait mieux de nous qu’auparavant. Cependant, tantie Véronique continuait à voir discrètement papa et c’est moi seule qui le savais. Et pourtant, il avait juré de mettre un terme à cette relation. Je ne l’ai plus revue depuis la maladie de mon père.

 

Ma mère et moi étions toujours à son chevet. Il était allongé sur le lit comme un squelette vivant. Je priais le Tout Puissant pour qu’il abrège sa souffrance. Dieu entendit-il ma prière ? Toujours est-il que quelque temps plus tard mon père se mit à faire des convulsions. Ma mère appela aussitôt un médecin qui me demanda de sortir de la chambre. Je me rendis dans la salle d’attente où je pleurais car je pressentais qu’il rendait l’âme. Cinq minutes plus tard, je vis ma mère, en pleurs, sortir de la chambre. Mon père s’en était allé.

 

Après ses funérailles, notre vie changea. Ma mère n’arrivait plus à supporter les charges de la maison. Nous fréquentions des écoles qui coûtaient très cher. Ma mère eut alors recours à tonton Mathieu qui vivait en Europe depuis sept ans. C’est grâce à mon père qu’il était allé en France pour poursuivre ses études. Après la mort de papa, fut le seul parent à subvenir à nos besoins et à défendre nos intérêts. C’est lui qui empêchait ses frères de nous spolier de notre héritage. Bien qu’il ne soit pas au pays. D’ailleurs, c’est à lui que papa confia tous ses biens. Il était maintenant notre père. Tonton Mathieu était marié en France à une blanche, mais n’avait pas d’enfant. Il venait très souvent en Côte d’Ivoire avec sa femme. Notre oncle fit partir Jeannette et Guy Roger en France. Quant à moi je restai au pays avec ma mère. J’étais étudiante dans une université privée.

 

Une année, tonton Mathieu profita de ses congés pour venir au pays afin de s’occuper de la ferme de mon père qui avait perdu sa renommée et de son champ d’hévéas. Il fallait de nouveaux investissements pour réhabiliter la ferme. A son arrivée, il voulut « mettre de l’ordre dans ma vie », selon ses propres termes. Mon oncle n’appréciait surtout pas que je me sois entichée de julien, mon petit ami. Nous nous connaissions depuis la classe de terminale. Je l’ai rencontré aux funérailles de papa. Après ses études universitaires sanctionnées  par une maîtrise, il faisait ses propres affaires comme bon nombre de jeunes diplômés du pays. Il avait plusieurs cabines téléphoniques. Je m’investis aussi dans cette activité. Julien arrivait à payer son loyer avec l’argent qu’il tirait de ses activités. Ma mère et mon oncle ne l’aimaient pas parce qu’il était pauvre. Alors pendant ses congés, mon oncle ne voulait que je sorte de la maison. Il entendait ainsi m’empêcher d’aller voir mon copain. Je le suivais donc dans ses courses et il tenait à ce que je dorme à al ferme avec lui. C’est ainsi que je découvris qu’il était amoureux de moi.

 

A la ferme, je surprenais souvent le regard de mon oncle entrain de m’épier. Lorsque je me lavais ou m’habillais, je sentais quelque fois la présence de quelqu’un derrière la porte. Et quand je l’ouvrais, je voyais toujours mon oncle dans les parages faisant semblant de chercher quelque chose. Et un matin, après mon bain, je constatai que la clé de la chambre avis disparu. Je ne pus donc fermer la porte à double tour comme je le faisais depuis un moment. Alors que je me pommadais, mon oncle entra dans la chambre sans taper. Il puait l’alcool. Sans dire mot, il se jeta sur moi. Je me débattis vigoureusement, mais il était plus fort que moi. Il me viola à maintes reprises pendant notre séjour avec la complicité des manœuvres de mon père. Je pleurais et me mis à le haïr. Il m’avait pratiquement séquestrée. Aussi, c’est avec soulagement qu’un matin je vis la 4*4 de ma mère arrivée à la ferme. L’heure de la vengeance avait sonné me disais-je. Tonton Mathieu allait payer pour tout le mal qu’il m’avait fait car je dirai à ma mère qu’il avait abusé de moi et elle allait lui créer des problèmes. Grande fut donc ma surprise quand maman s’emporta contre moi quand je lui révélai que mon oncle me violait.

- Tu mens ! Comment peux-tu dire de telles choses sur ton oncle ? C’est ton père  et il ne peut jamais coucher avec toi.

J’insistai, mais elle ne voulut pas entendre raison et me gifla pour que je taise. Je rentrai dans la chambre pour pleurer. Quand à ma mère, elle resta au salon avec mon oncle. Ils échangèrent pendant environ une heure et elle prit congé de lui sans m’emmener avec elle.

 

Je compris alors que ma mère était complice de cet acte abominable. Et tout simplement pour de l’argent. Mon oncle lui avait remis tous les biens de notre père et elle en jouissait pleinement. La preuve, cette rutilante 4*4 à bord de la quelle elle était venue à la ferme. Quelle cupidité ! Pour de l’argent, ma mère acceptait que mon oncle couche  avec moi.

 

Quelques jours plus tard, je parvins à m’enfuir. Je partis m’installer chez Julien car je ne voulais plus vivre avec ma mère. J’interrompis mes études. Inquiète, ma mère fit passer des avis de recherche à la radio pour me retrouver.  J’appelai mes frères en Europe pour leur parler du calvaire que m’avait fait subir mon oncle. Quelque temps plus tard, ma mère finit par me retrouver avec une grossesse. Je la vis verser  des larmes de crocodile me suppliant de venir à la maison. Mais je refusai de la suivre. Je préférais vivre avec mon homme qui venait d’obtenir un emploi. Toute fois, ma mère m’envoyait régulièrement de l’argent. C’était l’argent du champ d’hévéas de mon père et de sa ferme. Avec cet argent, j’investis dans la vente de produits cosmétiques et de pagnes. Ma mère et mon oncle étaient isolés. Mes deux frères, qui entre-temps avaient finit leurs études et travaillaient en France, ne fréquentaient plus l’oncle Mathieu. Ils en voulaient à notre mère de m’avoir livrée à lui. Ils lui reprochaient également de dilapider l’argent de notre père en ayant des liaisons avec des jeunes qu’elle entretenait. Je fus très déçue d’elle le jour où je la vis sortir de boîte de nuit dans les bras d’un DJ, son amant.

 

Aujourd’hui, je garde un grand secret. Jamais, je n’ai voulu en parler bien qu’il me ronge. Car j’ai peur de perdre Julien avec qui je suis mariée. C’est un homme très sensible et je pense qu’il ne supportera pas cette vérité. Je ne l’ai jamais trompé, mais notre premier fils n’est pas le sien. Cette grossesse que je lui ai attribuée n’était pas de lui mais de tonton Mathieu. C’est le fruit de son acte incestueux. L’enfant a quatre ans et il commence à avoir les traits de mon oncle. Un jour ma mère en fit la remarque.

-    Oui c’est son enfant ! Et tu le sais très bien ! Arrête donc de jouer à l’hypocrite. Pour de l’argent, tu m’as abandonnée dans ses bras alors     que tu savais très bien qu’il abusait de moi. M’emportais-je.

Devant cette diatribe, ma mère resta sans voix. Mais elle informa mon oncle. N’ayant pas d’enfant, il me harcèle depuis lors. Récemment, il m’a fait savoir qu’il mettra tout en œuvre pour récupérer son enfant.

 

Ma mère, elle, veut que je le fasse partir en Europe auprès de son vrai père. Dois-je céder à la pression de mon oncle ? Julien l’entendra-t-il de cette oreille ? Ne va-t-il pas demander le divorce ? Comment supporter le regard des gens quand ils apprendront que j’ai eu un enfant avec mon oncle ?   Autant de questions qui me tracassent l’esprit. M’empêchant de mener une existence paisible auprès d’un époux attentionné.

 

Larissa M

 

Chers internautes, voici l’histoire de Larissa. A vous de lui donner la solution idoine.

 

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Commentaires

  • yannick
    • 1. yannick Le 02/12/2009
    c'est vrai que la vérité n'est pas facile à dire mais elle devient d'autant plus difficile à supporter au fur et à mesure que le temps passe. je pense que tu devrais prendre une déléguation d'au moins 5 personnes, convoqué une réunion dans laquelle ces dernières expliqueront tous à ton époux.

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