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Les Urgences ivoiriennes et le vote utile de 2015

Mamadou Djibo, PhD - Publié le: 12-09-2015 - Mise-à-jour le: 12-09-2015 - Auteur: Mamadou Djibo, PhD

Les urgences ivoiriennes en infrastructures énergétiques, hydrauliques, routières, sanitaires  ou scolaires (allocation de 700 milliards pour la politique de l'école obligatoire de 06-16 ans) par exemple, c'est le minimum syndical pour ainsi dire lors même que cette volonté du Président Ouattara revitalise l'espoir. La désespérance des temps lugubres est close. Pour la mise à niveau de la Côte d'Ivoire en infrastructures pour libérer les énergies créatrices de richesses comme aller et venir des citoyens, de leurs biens, des marchandises, en formations professionnelles, flux financiers et transactions et échanges démultipliés, c'est un formidable départ nouveau. Lorsque le Président Ouattara s'attèle à réaliser un tel ouvrage infrastructurel, ça n'est plus une priorité puisqu'elle est bien comprise et exécutée comme telle par ce grand chef bâtisseur. Les gains économiques escomptés, engendrent sensiblement, un affaissement des tensions sociales et des périls induits par la grave et mortelle crise postélectorale de 2010. De sorte que la paix et la stabilité, chaque jour se renforcent et confortent la cohésion nationale. Puisque ceci est bien compris par l'autorité et les citoyens, la pire atteinte à cette ambiante renaissance économique, c'est désormais le train d'urgences que détermine, ce que j'appelle les politiques de l'égalité citoyenne et interrégionale pour la République, dans une démocratie solidaire pour être pleinement représentative. Au sortir des années de contestation de la ségrégation raciale par le mouvement des droits civiques, les Etats-Unis ont mis un train de mesures pour la politique de l'égalité. Ces correctifs effectifs reçurent le nom de discrimination positive ou Affirmative action, comme quota pour une meilleure représentation des minorités visibles, notamment Les Africains-américains, dans les institutions ou tissus socio-économiques et subséquemment comme revitalisation des institutions de la représentation de cette démocratie avancée que sont les Etats-Unis d'Amérique du Président Obama.  
I. Problématique de la politique de l'égalité en Côte d'Ivoire  
1.Les classes populaires en Afrique en général et en Côte d'Ivoire en particulier sont constituées par la majorité écrasante des jeunes de 15 -35 ans et la vaillante et créatrice de richesses de premier plan, la gent féminine. Jusque-là, ces deux catégories sont à la périphérie des circuits de financement pérenne, de programmes et politiques publiques pourvoyeurs de progrès socio-économiques. Le chômage des jeunes et le non financement des activités rémunératrices des femmes sont des points de croissance inclusive en moins. Autant dire que la Côte d'Ivoire a beaucoup de potentiel de croissance surtout inclusive non encore actés pleinement. Il y a de la réserve à la marge. Il s'agit là ces gisements qui, à eux seuls, réveilleront la prospérité économique endogène et partant, l'essor économique par l'accès massif de la classe moyenne au pouvoir d'achat. Puisqu'à elles seules, ces deux catégories font presque 80% de la population.
Alors, comment oser penser développement lorsqu'elles ne sont pas intégrées aux différents circuits de création de richesses ou lorsqu'elles sont marginalisées pour des raisons culturelles ou par l'inadéquation entre l'école et les profils demandés par le monde du travail ?   Ce que les économistes nomment l'offre de qualification est purement marginale et donc rare là où une masse critique est indispensable.
A ce problème de disjonction entre ces deux mondes (école-création de la richesse), il faut ajouter que les jeunes et les femmes sont, lorsqu'ils sont intégrés aux circuits de production,  confrontés aux inégalités de traitement salarial et autres disparités statutaires voire discriminantes.
2.Lorsque ces deux paramètres semblent bien circonscrits par les institutions étatiques, surgissent les asymétries de développement d'une région à une autre en raison du manque plus ou moins prononcé d'infrastructures routières, hydroélectriques, sanitaires et scolaires. Ces asymétries souvent trop prononcées consacrent l'éloignement de la puissance publique des besoins des populations des contrées ainsi rejetées à la périphérie ; des proies faciles aux mafias locales, au terrorisme à la Boko Haram par exemple qui recrute sur ces terroirs délaissés ou oubliés par la manne pétrolière nigériane. C'est la pire hypothèque à la paix civile. Or les mandats électifs dans les républiques sont des contrats et ils finissent. Pour le bien social, il ne faut donc pas qu'ils finissent sans résultats probants et sans redevabilité sociale des élus envers leur mandant unique, le peuple souverain.
Il importe donc, au seuil de la traite électorale 2015, de constater que les urgences ivoiriennes de l'heure, dictées par les enjeux de progrès économiques, sont aussi la politique de l'égalité, envers les citoyens, certaines catégories sociales et  les régions restées en jachère pour ainsi dire du premier miracle économique ivoirien, celui obtenu par le Président Houphouët-Boigny. Le deuxième miracle ivoirien entrevu par l'Ambassadeur de France Jean-Marc Simon, le sera, c'est ma conviction, par le travail et l'intégration réussie et égale des exclus d'hier comme citoyens et comme régions.
II.  Qu'en est-il de la politique de l'égalité
1. La situation politique induite par l'irruption du concept de l'ivoirité marque la fin d'un cycle de prospérité ivoirienne qui a reçu le nom de miracle ivoirien. A juste titre. Ce fut la fin de la décennie 80. Les fins de cycle de prospérité marquent aussi celle de la redistribution des revenus, plus ou moins équitablement. Les populations du nord ivoirien avaient toujours pensé qu'elles n'étaient pas pleinement bénéficiaires des retombées du premier miracle. Elles le vivaient comme une injustice,  des menaces sourdes pour les observateurs. Lorsqu'au surplus, l'ivoirité a opéré le distinguo des origines millénaristes de celles d' « invasion » taxées d'extranéité, les ingrédients d'une conflagration étaient réunis. A une injustice vraie ou vécue ou perçue comme telle, est venue s'ajouter comme surabondance, un sentiment d'exclusion. La source réside dans cette poussée extrême nationaliste et nombriliste. La prise d'armes du 19 septembre était prévisible comme révendicatoire et éveil émancipatoire des citoyens de ce bout de pays pour leur pleine reconnaissance. Il s'ensuit que cette élection attestée comme calamiteuse de 2000 par le vainqueur putatif lui-même, le Président Laurent Gbagbo, à Cotonou lors d'une visite officielle, suivie des contestations et prises d'armes par la rébellion ivoirienne, tout cela constitue le moment de déréliction toujours coextensif au renoncement d'une république à pratiquer la politique de l'égalité sans discontinuer en son sein.   A lui tout seul, l'affaissement de la singularité économique dite miracle ivoirien sous Houphouët-Boigny, au regard des difficultés connues par les citoyens dans leur écrasante majorité sous le vécu de « conjoncture » ne pouvait pas donner lieu à une conflagration armée.
La fin des Trente Glorieuses (1945-74) en France engendra des politiques d'austérité avec comme corollaires, des luttes syndicales « bénies » par le philosophe Sartre, signant parfois des pétitions émancipatoires, sans plus. Parce que précisément, la politique de l'égalité, d'un Etat impartial et traitant également ses ressortissants, était le dogme républicain absolu et tenu en haute estime, tant par les dirigeants que par les citoyens. Le résultat, c'est la cohésion nationale et la bonne marche de l'ascenseur social. Il n'est que de constater que les fils d'immigrés italiens, comme Le très honorable Claude Bartolone de l'Assemblée Nationale, grand homme de gauche, pur produit de l'école de la république et républicain imprenable comme l'était Léon Gambetta, atteste par l'exemplarité sociale, que la république, c'est d'abord le dogme laïc de l'égalité fait réalité.
2. Le deuxième miracle ivoirien dont parlait l'Ambassadeur Jean-Marc Simon, est bien probable, statistiquement pour l'émergence économique. Mais il en faut plus. Et ce plus réside dans le soudage ou reconstitution de l'égalité citoyenne (obtenue avec Houphouët-Boigny sans lien quelconque avec la région, seulement il suffisait d'être africain et compétent) comme lien social et républicain et l'égalité interrégionale pour le développement harmonieux comme les Chinois aiment à dire. Il est d'ailleurs curieux que les héritiers houphouëtistes en place ne revendiquent pas, a fortiori, pratiquer cette forme agissante du panafricanisme opérationnel. 
3. La liste des candidats pour la présidentielle de 2015 sera connue cette semaine. Les programmes mis en présence sont presque non existants, excepté celui du Président-candidat Alassane Ouattara. Par rapport aux politiques publiques articulées sur l'égalité citoyenne et interrégionale, les urgences ivoiriennes de l'heure, il me semble, sont :
..Le pouvoir d'achat des ménages. Celui des travailleurs du public a reçu un coup d'accélérateur avec le déblocage des salaires des fonctionnaires. Les centrales syndicales dont le motif premier d'existence est la lutte pour les intérêts socio-économiques des travailleurs, semblent dans une moue bienveillante vis-à-vis du bilan du gouvernement du RHDP et de son candidat unique. Quelles sont les offres des agendas des autres sur l'assurance maladie universelle, l'école laïque et obligatoire, la liberté totale de la presse, la lutte contre la corruption des officiels. L'institution du Premier Ministre Seydou Diarra pourra-t-elle attraper les mouches comme les tigres, chère au Président Xi Jinping de Chine ? Et in fine, l'égalité des chances dans la poursuite des délits économiques comme pratique républicaine.
... Les classes moyennes sont majoritairement les classes populaires. La problématique située ci-dessus les concerne. Le nerf probant de cette problématique, c'est l'insertion égale et citoyenne des classes populaires dans les circuits de production des richesses par l'emploi, la formation professionnelle, le labeur dans la discipline. Quel candidat est-il à même de garantir les concertations sociales, le dialogue social permanent pour juguler les conflits catégoriels stériles qui finissent par casser les cycles vertueux de progrès ? Lequel des candidats autorisés par le Conseil Constitutionnel à concourir est l'incarnation de l'idée que le développement est bien orienté ? Le développement économique au profit des citoyens et donc de la bios politikos par l'agir infrastructurel contraposé aux idéologies de promesses stériles toujours servies aux populations sous des soleils à peine morts, ceux de la refondation.
..Lequel des impétrants, inlassablement, mettrait la compétence, la loyauté républicaine et non l'insolite et veule partisannerie pour la sauvegarde des intérêts stratégiques de la république ? Les politiques publiques doivent être conduites pour leur exécution-évaluation (récompense et sanction) par des profils politiques et de la société civile et tenus d'assumer leurs responsabilités advenant des errements. Quel candidat dispose d'une grande réserve de profils et de cadres toujours prêts comme des Scouts lorsqu'il s'agit de servir la république ?
...Pour une gouvernance démocratique, moderne et citoyenne, lequel des candidats est proche des préoccupations et attentes des citoyens à la base ? Le quel des candidats offre l'étoffe morale et la stature d'homme d'Etat pour incarner l'égalité citoyenne et interrégionale au service de la république et de l'intégration africaine ?
Quel candidat, in fine, pourrait le plus inspirer les Ivoiriennes et les Ivoiriens, à se surpasser pour réaliser de grandes choses ? Un grand chef politique d'inspiration, doué pour l'écoute citoyenne, proche des gens pour exercer, incarnant la souveraineté, la fierté nationale et celle de la fonction, le leadership de coalition pour l'atteinte de la réconciliation pour la paix et la cohésion nationale et pour la stabilité de l'Etat impartial, équitable et protecteur de nos droits et libertés.
Lorsque les problématiques de la croissance économique sont bien tenues comme elles le sont sous le leadership d'excellence du Président-candidat Ouattara, il n'importe pas de réaffirmer les exigences  de la politique d'égalité citoyenne et interrégionale. Ces exigences rattachent, si elles sont obstinément poursuivies, sui generis, les destins individuels et collectifs des gens à leur architectonique philosophique de la dignité humaine, de présupposé métaphysique de tolérance de la diversité des opinions, des options politiques, du respect du principe démocratique parce que tout simplement, chaque citoyen ou groupe de citoyens, est détenteur de cette dignité africaine imprenable comme Mandela nous l'a léguée. Il en découle logiquement, qu'un scrutin démocratique et apaisé comme le processus en cours semble indiquer, ne sera point synonyme de la symétrie des solitudes abyssales du vaincu ou des torrents d'affections du vainqueur au soir du 25 octobre. Le fameux Vae Victis, malheur aux vaincus dont les Romains étaient si friands, pas plus que la foi frêle du poète Khalil Gibran qui nomme la solitude comme une tempête de silence qui arrache toutes nos branches mortes. La république de l'égalité est solidaire de tous les sorts de ses soutiens advenus ou scellés, provisoirement. Aussi, nos branches mortes arrachées sont-elles les conditions de renaissance, humus, elles sont, de recyclage par germination des vitalités démocratiques de demain. Les défaites électorales sont de ce point de vue, des leçons démocratiques, des chemins d'avenir, des cycles d'avenir pour l'égalité initiale.  Inlassablement, le retour de l'histoire au cour de la condition humaine, transie, ici en Côte d'Ivoire, par les turpitudes criminelles postélectorales de 2010 « sombres temps » d'Hannah Arendt  d'abord et,  transcendés ensuite comme horizon d'attente des temps émancipatoires auxquels le Président Ouattara nous invite à tourner le regard. 
Ces temps émancipatoires sont ceux de l'engagement de tous, y compris du philosophe pour déconstruire les fausses ontologies comme l'ivoirité par exemple. Est-ce de l'engagement, d'ailleurs ? Une réflexion philosophique débarrassée de ses scories métaphysiques pour le bios politikos et la vita activa ? Incarnée dans les luttes, dans les actions au service d'autres praxis  pour l'égalité citoyenne africaine.

 

Mamadou Djibo, PhD

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