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Les arguments de Koné Mamadou, Président du Conseil Constitutionnel sur l’éligibilité de Alassane OUATTARA

Considérant que suivant sa requête en date du 02 septembre 2015, enregistrée à la même date au secrétariat du conseil constitutionnel, sous le numéro 040, Monsieur Amara Essi, candidat à l’élection du Président de la République du 25 Octobre 2015, agissant sur le fondement de l’article 56 alinéa premier du code électoral, sollicite qu’il plaise à la haute juridiction électorale de déclarer inéligible le candidat Alassane Outtara ;

Considérant en la forme que cette requête est régulière et doit être considérée recevable ;

Considérant sur le fond que, pour contester l’éligibilité de Monsieur Alassane outtare, le requérant soutient que celui-ci n’avait été autorisé à se présenter qu’à titre exceptionnel, et uniquement à l’élection présidentielle de sortie de crise initialement fixée au mois d’Octobre 2005 ; que ladite consultation électorale ayant fini par se dérouler en Octobre 2010, l’occasion unique de candidature qui lui avait été ainsi offerte avait été consommée par sa participation effective à ce scrutin et que, dès lors, l’Arrêt No 001-2000 du 06 Octobre 2000 de la Chambre Constitutionnelle de la cour Suprême qui l’avait déclaré inéligible, retrouvait son plein et entier effet par l’autorité de la chose jugée, et qu’ainsi il était inéligible au sens de l’article 35 de la Constitution ;

Considérant ainsi sur le principal grief, pris de ce que Monsieur Alassane Ouattara avait été autorisé à faire acte de candidature à titre exceptionnel et seulement pour l’élection de sortir de crise, qu’en effet, à l’issue d’un accord politique de sortir de crise conclu à Prétoria, en Afrique du Sud, courant 2005, le Président de la République, faisant usage de l’article 48 de la Constitution, avait signé la Décision Présidentielle No 2005-01/PR du 05 Mai 2005 organisant une désignation à titre exceptionnel de candidats à l’élection à l’élection présidentielle d’Octobre 2005 ;

Que l’article de cette Décision disposait que :

 Alinéa premier : A titre exceptionnel, et uniquement pour l’élection présidentielle d’Octobre 2005, les candidats présentés par les partis politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis sont éligibles ;

Alinéa 2 : L’examen des candidatures à l’élection présidentielle d’Octobre 2005 autres que celles présentées par les partis politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis se fera conformément aux dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires ;    

Considérant que pour bien préciser la lettre et l’esprit de cette Décision présidentielle, l’Ordonnance No 2008-133 du 14 Avril 2008 portant ajustement du code électoral pour les élections de sortie de crise, est intervenue pour indiquer, en son article 54 alinéa 2 que : « Pour la présente élection présidentielle, conformément aux accords politiques, les candidats issus des partis politiques ou groupements politiques signataires des Accords de Linas-Marcoussis sont dispensés de la production de quelque pièce que se soit, à l’exception de la déclaration de candidature qui doit être accompagnée, le cas échéant, d’une lettre d’investiture du ou des partis politiques ou groupements politiques qui les parrainent »

Considérant que cette élection de sortie de crise, n’ayant pu se tenir en Octobre 2005 comme initialement prévu, avait été reportée dans un premier temps au mois de Novembre 2009 par une seconde Décision présidentielle, numéro 2009-18/PR du 14 Mai 2009 portant détermination de la période du premier tour de l’élection présidentielle ;

Que cette Décision disposait que :

Article premier : A titre exceptionnel, et par dérogation aux dispositions de l’article 36 de la Constitution, le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu dans le courant du mois de Novembre 2009 ;

Article 2 : En conséquence, la Décision No 2005-01/PR du 05 Mai ci-dessus visée produit son plein effet pour cette Election Présidentielle de Novembre 2009 ;

Considérant ainsi qu’aux termes des textes sus rappelés, l’élection présidentielle de sortie de crise, fixée plus tard au 29 Novembre 2009 par Décret No 2009-181 du 14 Mai 2009, devait mettre en compétition deux catégories de candidats :

D’une part, les candidats issus des partis politiques ou groupements politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis, qui ne devaient présenter, comme dossier de candidature, que leur seule déclaration de candidature, éventuellement accompagnée de la lettre d’investiture des partis ou groupements politiques les parrainant ;

Et, d’autre part, tous les autres candidats, tenus, eux, de produire au soutien de leur déclaration de candidature, toutes les pièces exigées par les dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en vigueur ;

Considérant cependant qu’au moment de se prononcer sur l’éligibilité des candidats, le Conseil Constitutionnel, dans sa Décision No CI-2009-EP-26/28-10/CC/SG du 28 Octobre 2009, après avoir rappelé les deux catégories de postulants et les règles devant régir leur éligibilité, à savoir la  Décision Présidentielle No 2005-01/PR du 05 Mai 2005 pour les uns, et les dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires pour les autres, à disposé ainsi qu’il suit :

« Considérant que le respect du principe de l’égalité de tous devant la loi, prescrit par la Constitution du 1er Août 2000 en ses articles 13 et 30 et, de manière particulière, le principe d’égal accès aux fonctions publiques électives, prévu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948 en son article 21, point 2, et la Charte Africaine des Droits de l’Homme du 28 Juin 1981 en son article 13 point 2, auxquelles le peuple ivoirien a solennellement adhéré à travers le préambule de sa Constitution, impliquent de ne pas traiter différemment les personnes placées dans une situation identique : qu’il convient dès lors de soumettre tous les candidats aux mêmes conditions d’éligibilité, et de leur exiger les pièces suivantes :

Une déclaration personnelle de candidature revêtue de la signature du candidat ;

Une lettre d’investiture du ou des parti(s) politique(s) qui parraine(nt) la candidature, s’il y a lieu ;

Le reçu du cautionnement de vingt millions (20 000 000) de francs CFA ;

UN extrait d’acte de naissance du candidat ou le jugement supplétif en tenant lieu ;

Une attestation de régularité fiscale ou tout autre document permettant de s’acquitter de ses impôts ;

Considérant que l’examen des pièces ^produites par les candidats, conformément aux exigences ci-dessus exposées, fait apparaître que les dossiers fournis par les candidats sont incomplets ; qu’il en résulte la nécessité de les compléter » ;

Considérant que, dans la même Décision, le Conseil Constitutionnel, invitait tous les candidats, y compris ceux présentés par les partis politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis, qui en étaient pourtant dispensés par la Décision Présidentielle du 05 Mai 2005 et l’article 54 alinéa 2 de l’Ordonnance du 14 Avril 2008, à venir compléter leurs dossiers au plus tard le Mardi 10 Novembre 2009 à 16 heures ; que tous les vingt candidats, sans exception, ont dû obtempérer à cette décision ;

Considérant par ailleurs qu’avant l’expiration du délai imparti aux candidats pour satisfaire à cette première exigence, le Conseil Constitutionnel, dans une autre Décision No EP-27 du 09 Novembre 2009, déclarait surseoir à la publication de la liste définitive des candidats jusqu’à la publication de la liste électorale afin de « vérifier », au contact de celle-ci, la conformité de leurs candidatures aux dispositions combinées des articles 5, 17 et 48 du Code électoral selon lesquelles, « la candidature à l’élection du Président de la République est ouverte aux personnes ayant la qualité d’électeur », laquelle résulte de l’inscription sur la liste électorale ;

Considérant qu’en réalité cette seconde exigence du Conseil Constitutionnel, pour autant qu’elle se justifiait vis-à-vis des candidats non issus des partis politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis, n’en imposait pas moins deux nouvelles conditions de droit commun aux candidats présentés par les partis politiques signataires dudit Accord qui, toujours au regard de la Décision Présidentielle du 05 Mai 2005 et de l’Ordonnance du 14 Avril 2008, en étaient également dispensés ; que ces deux nouvelles d’éligibilité consistent, d’une part, à la vérification de leur inscription sur la liste électorale et, d’autre part, au contrôle indirect de leur nationalité ivoirienne, l’Accord politique de Ouagadougou ayant prescrit qu’à l’issue de l’identification électorale, toutes les personnes figurant sur la liste électorale étaient présumées posséder la nationalité ivoirienne et devaient bénéficier, en conséquence, d’une carte nationale d’identité ivoirienne et d’une carte d’électeur ;

Considérant qu’il s’évince des deux Décisions précitées qu’en définitive, le Conseil Constitutionnel a, d’une part, clairement exprimé son refus d’appliquer la Décision Présidentielle du 05 Mai 2005 ainsi que l’aricle 54 alinéa 2 de l’Ordonnance du 14 Avril 2008, motif pris de ce que ces deux textes étaient discrminatoires et en contradiction avec certains engagements internationaux de la Côte d’Ivoire en matière de Droit de l’Homme, et d’autre part, imposé à tous les vingt candidats, de manière indiscriminée, des critères généraux d’éligibilité prévus par la législation de droit commun, exigeant ainsi des postulants issus des partis politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis, au total sept conditions d’éligibilité, là où la législation spéciale de sortie de crise ne leur réclamait qu’une simple déclaration de candidature ;

Considérant que ces deux Décisions du Conseil Constitutionnel ont eu moins de retentissement que l’Ordonnance, en son temps, de la Décision Présidentielle du 05 Mai 2005, de sorte que, dans l’opinion publique, s’est perpétuée la croyance en une éligibilité exceptionnelle et pour la seule élection de sortie de crise, de Monsieur Alassane Ouattara, alors qu’en réalité, cette thèse relève plus de la commune renommée que d’un raisonnement juridique pertinent ;

Considérant qu’après publication de la liste provisoire des candidats arrêtée sur la base du droit commun sus rappelé, et non de la législation spéciale de sortie de crise, aucun des postulants, pas même l’auteur de la Décision du 05 Mai 2005 et de l’ordonnance du 14 Avril 2008, également candidat à ladite élection, et à qui les deux Décisions sus citées du Conseil Constitutionnel avaient été transmises aux fins de publications au Journal Officiel, ni aucun des partis politiques qui parrainent sa candidature, n’a jugé utile de formuler la moindre réclamation ou observation dans le délai réservé à cet exercice ;

Considérant que c’est dans ce contexte de consensus politico-juridique sur la non prise en compte de la législation spéciale de sortie de crise dans le contrôle de l’éligibilité que le Conseil Constitutionnel, dans sa Décision No 028 du 19 Novembre 2009 portant liste définitive des candidats, a déclaré éligibles au scrutin présidentiel de sortie de crise  quatorze des vingt candidats en lice, dont Monsieur Alassane Ouattara ; que pour motiver cette Décision, le Conseil Constitutionnel a exposé que, d’une part, « aucune réclamation ou observation concernant leur candidature n’avait été déposée et consignée dans le registre tenu à cet effet au secrétariat Général du Conseil » et que d’autre part, lesdites « candidatures remplissaient les conditions requises » ;

Considérant qu’à aucun moment, et nulle part dans aucune des Décisions qu’il a rendues à l’occasion de ces élections, le Conseil Constitutionnel n’a indiqué que l’un quelconque des candidats déclarés éligibles avait bénéficié d’un traitement dérogatoire ;

Considérant ainsi que, contrairement à l’opinion du requérant Amara ESSY, en 2010, Monsieur Alassane Ouattara n’avait pas été déclaré éligible «  A titre exceptionnel et uniquement pour l’élection présidentielle de sortie de crise », les dispositions spéciales édictées à cette fin n’ayant jamais été mises en œuvre par le Conseil Constitutionnel ; qu’en refusant d’appliquer les seuls textes qui pouvaient conférer un caractère exceptionnel à l’éligibilité de Monsieur Alassane Ouattara, et en lui imposant même des dispositions de droit commun, le Conseil Constitutionnel a donné à cette éligibilité un caractère ordinaire ; que dès lors, la Décision Présidentielle No 2005-01/PR du 05 Mai 2005 n’ayant pas constitué le support de sa qualification en 2010, ne saurait constituer le fondement de sa disqualification en 2015, aucune conséquence de droit ne pouvant être légalement tirée d’une mesure individuelle qui n’a jamais été mise en œuvre, et qui n’a donc jamais produit aucun effet ; qu’il s’ensuit que ce grief s’avère inopérant et doit être rejeté ;

Considérant, sur la demande du requérant tendant à opposer à Monsieur Alassane Ouattara l’autorité de la chose jugée résultant de l’Arrêt du 06 Octobre 2000 que, s’il est constant que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, il est également constant que cette juridiction, à l’instar de tout autre juridiction, peut, de son propre mouvement, remettre en cause sa position initiale, par un revirement de sa jurisprudence, en fonction de l’évolution de la loi, ou de la société ;

Considérant en effet qu’il était loisible au Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 19 Novembre 2009 portant publication de la liste définitive des candidats, après avoir écarté du contrôle de l’éligibilité la Décision présidentielle No2005-01/PR du 05 Mai 2005, de confirmer l’inéligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA en invoquant l’Arrêt No 001-2000 du 06 Octobre 2000 et de rejeter sa candidature, comme il l’avait fait, pour divers autres motifs, pour six des vingt candidats en lice ; qu’en  décidant au contraire, et en parfaite connaissance de l’existence dudit Arrêt, de déclarer l’intéressé éligible sans mention d’aucune restriction, et sur la base des dispositions de droit commun en vigueur, le Conseil Constitutionnel, continuateur institutionnel de la défunte Chambre Constitutionnelle de la Cour Suprême, a entendu opérer purement et simplement un revirement de sa jurisprudence, relativement à la question de l’éligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA ;

Considérant qu’un revirement de jurisprudence d’une juridiction constitutionnelle est d’autant plus normal que ses Décisions consacrent des situations ou des idées susceptibles d’évoluer avec le temps ; qu’ainsi, si une cause d’inéligibilité, relevée à l’occasion d’une élection, disparaît à l’occasion du scrutin suivant, il ne serait que justice que le Conseil Constitutionnel en tire toutes les conséquences, car l’inéligibilité ne peut se concevoir comme une privation définitive du droit d’éligibilité ;

Considérant que dans le cas de Monsieur Alassane OUATTARA, s’il est exact que l’Arrêt du 06 Octobre 2000 avait émis un doute sur sa nationalité ivoirienne, il convient aussi de rappeler que, du O7 Septembre au 18 Décembre 2001, s’est tenu à Abidjan un forum de Réconciliation nationale, institué par le Décret No 2001-510 du 28 Août 2001, qui a réuni toutes les composantes socio-politiques ainsi que toutes les forces vives de Côte d’Ivoire ; Qu’à l’issue de ses assises, cette instance nationale a formulé solennellement la recommandation suivant, dans sa résolution no 4 :

« Au nom de la Nation, le Directoire du Forum, au vu des documents qui lui ont été présentés, recommande aux autorités judiciaires compétentes de délivrer à Monsieur Alassane OUATARA, un certificat de nationalité ivoirienne, conformément aux lois et règlements en vigueur » ;

Considérant qu’en exécution de ladite Résolution, l’intéressé avait sollicité et obtenu du Tribunal de première Instance d’Abidjan, le certificat de nationalité No 69.605 du 28 Juin 2002, qui n’a jamais été remis en cause, de même tous les autres certificats de nationalité qui lui ont été délivrés par la suite pour constitution de ses dossiers administratifs ; Que ces éléments ont levé le doute sur sa nationalité, que la Chambre Constitutionnelle de la Cour Suprême avait émis dans son Arrêt du 06 Octobre 2000, de sorte qu’à l’occasion de l’élection présidentielle de 2010 ce motif était devenu anachronique ;

Considérant par ailleurs que ce revirement de jurisprudence trouve un autre fondement dans la volonté du Conseil Constitutionnel, exprimée dans sa Décision du 28 Octobre 2009, de respecter le principe d’un égal accès de tous aux fonctions publiques électives, et de ne violer aucun des engagements de la Côte d’Ivoire en matière de Droits de l’Homme ; Qu’à cette fin, et pour jouer sa partition dans la recherche de la paix, il a préféré écarter tous les critères d’éligibilité par lui jugés discriminatoires, et retenir un critère estimé égalitaire, consistant à lier l’éligibilité à la qualité d’électeur résultant de l’inscription sur la liste électorale qu’il avait réclamée dans sa Décision du 09 Novembre 2009, en application de l’article 48 du Code électoral qui dispose que « Tout Ivoirien qui a la qualité d’électeur peut être élu Président de la République ;

Considérant que cette interprétation a permis au Conseil Constitutionnel de déclarer éligible à l’élection présidentielle de sortie de crise un candidat d’origine étrangère, artiste-comédien-humoriste de son état, non issu d’un parti politique signataire de l’Accord de Linas-Marcoussis, naturalisé de fraîche date qui, autrement, et même relevé de toutes les incapacités liées à la naturalisation, serait demeuré rédhibitoirement inéligible au sens de l’article 35 de la Constitution, pour défaut de qualité d’Ivoirien d’origine, et pour s’être nécessairement prévalu d’une autre nationalité avant son intégration dans la nationalité ivoirienne ;

Que cette Décision traduit d’abord la volonté de la juridiction Constitutionnelle d’éliminer désormais du contrôle de l’éligibilité des notions confligènes telles que celles d’être Ivoirien « d’origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d’origine », ou de « ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité », en attendant les modifications constitutionnelles prévues par l’Accord de Linas-Marcoussis ; qu’elle avait également vocation à redorer le blason de la Côte d’Ivoire quelque peu terni à cette époque par une embarrassante réputation d’Etat xénophobe et exclusionniste ;

Considérant que, face à un revirement de jurisprudence, l’autorité de la chose jugée succombe ; qu’ainsi, l’Arrêt du 06 Octobre 2000 de la Chambre Constitutionnelle de la Cour Suprême a été définitivement annihilé par les Décisions du Conseil Constitutionnel des 28 Octobre, 9 et 19 Novembre 2009, dont seule l’autorité fait foi sur la question de l’éligibilité de Monsieur Alassane OUATARA ; qu’il s’ensuit que ce second grief du requérant ne prospère pas et doit être rejeté ;

Considérant sur le troisième et dernier grief de la requête, tiré de ce que, en état de cause, l’article 35 de la Constitution ne permet pas à Monsieur Alassane OUATTARA de briguer la Présidence de la République, qu’il s’avère tout aussi vain que les deux précédents ;

Considérant en effet que, même en occultant les trois Décisions du Conseil Constitutionnel ayant reconnu l’éligibilité, non pas exceptionnelle, mais ordinaire, de Monsieur Alassane OUATTARA depuis les Décisions des 28 Octobre, 9 et 19 Novembre 2009, pour ne s’en tenir qu’à l’article 35 de la Constitution qu’excipe le requérant, il convient de relever que l’examen dudit article permet de constater qu’il renferme en réalité deux types d’éligibilité s’appliquant à deux catégories de candidats ne se trouvant pas dans la même situation juridique, à savoir, une éligibilité originelle et une éligibilité dérivée ;

Considérant que l’éligibilité originelle est celle concernant les candidats n’ayant jamais accédé à la fonction de Président de la République et qui, de ce fait, sont tenus d’apporter la preuve qu’ils remplissent toutes les conditions énumérées par les textes en vigueur ;

Considérant que l’éligibilité dérivée est celle qui s’applique au Président de la république sortant qui, à l’occasion du scrutin l’ayant porté au pouvoir, avait déjà fait la preuve de son éligibilité originelle ; Que cette éligibilité dérivée, qui se décline en réalité en terme de « rééligibilité », est prévue par l’article 35 alinéa 1 de la Constitution, lequel dispose que le Président de la République est élu pour cinq ans et rééligible une fois ; Que la particularité du Président de la République sortant réside dans le fait qu’à la légalité de sa candidature précédente, c’est-à-dire son éligibilité, il a joint une légitimité personnelle résultant du suffrage populaire qui l’a porté au pouvoir, et qui le dispense d’avoir à décliner à nouveau son identité au peuple censé le connaître déjà ;

Que l’examen de la candidature d’untel candidat consiste simplement à vérifier, non plus son éligibilité, mis plutôt sa rééligibilité, conformément à l’article 35 alinéa premier précité, et à s’assurer que pendant la durée de son mandat qui s’achève, il n’a pas été atteint par un élément factuel de disqualification tel qu’un franchissement éventuel de la limite d’âge, une profonde dégradation de son état de santé, ou tout autre cause d’inéligibilité originelle ; Qu’aucun élément de cette nature n’a été décelé dans le dossier de candidature de Monsieur Alassane OUATARRA à l’élection présidentielle de 2015 ;

Considérant au surplus que le Conseil Constitutionnel, qui rend la justice au nom du peuple de Côte d’Ivoire, ne saurait déclarer inéligible un candidat que le même peuple avait déjà oint de son suffrage en 2010, en parfaite connaissance de tout ce qui avait pu se dire sur lui, sans qu’aucun élément nouveau ne soit intervenu dans son statut ;

Qu’ainsi, le troisième grief s’avère également inopérant et doit être rejeté ;

Considérant au total que les différents griefs invoqués par Monsieur Amara ESSY en inéligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA ne sont pas fondés et commandent de rejeter la requête ;

Considérant par ailleurs que l’examen du dossier de candidature de Monsieur Alassane OUATTARA révèle qu’il est conforme aux dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en vigueur ; Qu’il échet en conséquence de l’inscrire sur la liste des candidats à l’élection présidentielle du 25 Octobre 2015.

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