Notre opinion/ Le développement africain entre optimisme et défis

Par Jean-Luc Vovor, Directeur Associé de Kusuntu Partners

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L’Afrique est la dernière frontière économique du monde. Derrière cette citation optimiste en vogue ces dernières années s’est développé le concept, voire l’incantation de l’émergence.

 Le continent africain, central et bien perceptible sur toutes les facettes de l’observation de la planète terre, accumule un certain nombre d’ingrédients pour devenir le moteur de la croissance mondiale des 50 prochaines années. On y observe en le développement d’une Vision commune parmi les africains et leurs diasporas afin qu’émerge un Leadership nouveau avec l’installation d’une Masse critique de personnes de mieux en mieux formées et informées du fait du développement rapide des nouvelles technologies de l’information. Ces dernières influencent durablement la vitalité économique du continent. Elles influencent en même temps l’Organisation structurelle des institutions qui doivent se mettre en place ainsi que les actions vers le développement qui doivent se réaliser avec Discipline.

L’engouement pour l’Afrique – Scramble for Africa – ne saurait se faire sans et par la grande masse des africains, les urbains et les ruraux, les jeunes et les moins jeunes, les nantis et les moins dotés en ressources. L’Afro-optimisme ne saurait contrebalancer aussi facilement l’Afro-pessimisme des années consécutives aux années de plans d’ajustements structurels.

 

A ce jour, la croissance forte du continent n’est pas également répartie entre ses filles et ses fils. Les moyens mis en œuvre sont largement insuffisants. Les troubles géopolitiques africains et les volatilités économiques sous tendus par la doctrine libérale dominante et celle des marchés financiers sont autant de facteurs qui peuvent renverser les tendances optimistes.

S’inspirant des expériences des autres, de l’histoire du développement des pays les mieux équipés et des nouveaux émergents, l’Afrique doit piloter son développement, mot que je préfère de loin au concept d’émergence, avec beaucoup de réalisme et de pragmatisme. Un adage veut que la réalisation de nos rêves se fasse au prix de notre détermination et de notre travail. La route vers le développement est une course de fond, longue et difficile pour laquelle il faut se préparer et en accepter la souffrance. Le résultat n’en aura qu’une saveur plus douce.

La Vision commune de l’Afrique, c’est ce rêve que tous nous nourrissons d’un futur meilleur pour le plus grand nombre. Un nombre, le plus important possible atteignant les besoins élémentaires que sont ‘se nourrir, se vêtir, se loger, s’éduquer et se soigner’. L’atteinte de ce défi est loin d’être perceptible aujourd’hui sur le continent africain et il convient au Leadership en construction d’aider à l’atteindre. En face d’une poussée démographique dont nous louons tous les dividendes probables (ou improbables), la tâche n’est pas aisée, ceci, aussi bien pour les dirigeants africains que pour les sujets des différents pays. Nul part au monde, et plus encore dans le monde contemporain, les dirigeants de tout ordre n’ont eu à gérer une telle contrainte.

Le Leadership est la modalité avec laquelle nous souhaitons réaliser cette vision, le modèle de société que nous souhaitons atteindre et les modalités pour ce faire. Il est incarné par des hommes et des systèmes qui vont régir le rapport des hommes entres eux et le rapport entre les hommes avec les choses.

Avec la tombée du mur du Berlin et la fin de la guerre froide, Francis Fukuyama (La fin de l’Histoire et le dernier Homme) a célébré la survenance d’un monde unipolaire, le règne de la pensée unique du libéralisme et de la démocratie parlementaire pour toutes les sociétés en faisant abstraction du niveau inégal d’éducation dans l’ensemble des pays de la Terre. Avec force, la construction Singapourienne, l’émergence sud-coréenne puis chinoise et maintenant les avancées malaises, indonésiennes ou plus récemment, vietnamiennes, démontrent sa mauvaise perception des choses. La dislocation soviétique et les velléités de renouveau de puissance de la Russie nouvelle nous enseignent plutôt la tendance à la multi polarisation du monde. Le nouveau Leadership Africain, la voie africaine du développement pour tous, peine encore à voir le jour. Les grandes théories économiques qui ont vu le jour au fil des temps et auxquelles nous, africains, semblons puiser nos références, justifications et décisions sont le fruit de la théorisation de l’observation des modes par lesquels les hommes ont régi leur rapport entre eux et leur rapport avec les choses. Dans des situations d’imperfections, les écoles économiques ont cherché à identifier les points d’inefficacités pour proposer des améliorations. La force de la mondialisation, de l’accès rapide à l’information et au savoir, devrait, en Afrique, nous permettre, d’identifier et déployer notre voie. Ceci devrait se faire au fruit de l’observation combinée de nos pratiques ancestrales et des réalisations positives des autres. Ainsi fait, nous trouverons le Leadership Africain, le modèle de construction et de développement économique qui nous sied.

La Masse Critique Africaine est forte de sa population jeune, de mieux en mieux éduquée et de plus en plus informée. L’Afrique, du fait de sa position géographique et de la percée des nouvelles technologies, est assise aux premières loges de la tentation de consommation et de liberté que sont les pays du nord. Les jeunes africains de façon synchrone vivent au rythme des sociétés des anciennes puissances coloniales et aspirent aux mêmes envies.

De Durban à Fès, de Dakar au Caire ou de Nairobi à Lagos, tous ont les mêmes références et comportements de consommation. Comme toute jeunesse, elle est de plus en plus turbulente et revendique de plus en plus, au rythme des échanges sur twitter ou facebook, des navigations internet ou des visionnages de CNN, BBC et autres France24.

Le débat est intense, l’envie de participer forte tout comme l’envie de prendre les choses en main. C’est une génération plus nombreuse en proportion qu’ailleurs et qui amplifie les mêmes revendications qu’ailleurs, ce qui en puissance en fait une bombe à retardement. Nul dirigeant au monde n’est confronté avec une telle violence à une demande de participation. Nul au monde n’a la recette de la satisfaction de ces besoins. Critique, cette jeunesse l’est au sens où c’est un atout mais aussi un danger. Dans le défi auquel fait fasse l’Afrique, cette jeunesse est une urgence.

 

L’Organisation est la force de canalisation de cette Masse Critique, une fois identifiée et promue la Vision Africaine et affirmé le Leadership pour l’y conduire. Le temps est court et l’opportunité unique pour le continent Africain. Jamais auparavant le monde n’a connu une telle situation de propagation et de partage instantanée d’information et de savoir. Dans une situation où les ainés définissaient la voie en indiquant ce qu’il y a faire et ce qu’il faut éviter, le monde actuel appelle les ainés africains à accompagner la jeunesse dans l’expression de son plein potentiel. Il ne sert à rien de serrer le couvercle d’une cocotte minute transparente et portée à plus qu’ébullition. L’Organisation c’est avec les jeunes, dans un esprit participatif, le moyen d’accompagner, chacun à sa place vers la réalisation de la Vision Commune. C’est l’ensemble des tâches, projets, et processus qui vont faire qu’il sera donné à chacun, selon sa capacité, au delà de l’espoir, la place la mieux adaptée qui lui permette de se réaliser et de contribuer à la réalisation du rêve commun. Un emploi, des revenus réguliers et donc la capacité de se projeter vers l’assouvissement des besoins de base. L’Organisation, c’est la politique des grands travaux, l’amélioration des conditions d’affaires, la promotion de la libre entreprise, la régulation et la bonne gouvernance de sorte que la bureaucratie positive mesure et accompagne les réalisations. Mais le plus grand défi de l’Afrique est à venir pour faire de ces éléments que sont la Vision Commune, le Leadership, la Masse Critique et l’Organisation, des éléments d’un succès de long terme.

La Discipline est la maîtresse du succès de toute entreprise de construction. La Discipline, c’est l’abnégation de tous vers la construction du rêve africain. C’est l’acceptation des règles, des consignes, des instructions, même les plus basiques. Mais au delà de leur acceptation, c’est leur respect et leur bonne application.

Les règles ne sont pas parfaites par essence mais c’est la force de la bureaucratie positive que de mesurer, analyser les réalisations, écouter les retours d’expérience, évaluer les insuffisances et obtenir leur réajustement.

Le développement de l’Afrique ne se fera pas sans discipline, sans sens civique. La contribution de chacun en cela fera l’objet d’une sensibilisation, d’une éducation afin que chacun ressente de l’atteinte de son intérêt personnel, l’atteinte de l’intérêt général. La Discipline est l’élément qui nous manque le plus car elle crédibilise la Vision Commune, le Leadership. Elle canalise les revendications de la Masse Critique et facilite la mise en œuvre et les ajustements de l’Organisation.

Je vous souhaite à tous un très bel été.

 

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